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Le bistro Tournebroche du Vieux-Québec refait son image et devient Hortus. | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Désireuse de s’adresser davantage à la population locale, l’équipe du bistro le Tournebroche, dans le Vieux-Québec, a profité de l'hiver pour refaire l'image et l'offre alimentaire de son établissement de la rue Saint-Jean. Bienvenue chez Hortus, où l'apiculture urbaine, le jardinage sur le toit, l'aéroponie et la lactofermentation sont les éléments clés d'une vision plus moderne de l'entreprise.

Dans le but de me faire découvrir l'offre du nouveau bistro Hortus, je suis invitée à prendre place à une table avec Guy Collin, copropriétaire du restaurant et directeur de l’Hôtel du Vieux-Québec, l’immeuble où se situe l'établissement. J'accepte rarement ce genre d'invitation, mais puisque j'affectionne particulièrement le lieu et ses gens, je romps avec mes habitudes.

J'entre dans la salle à manger avec un énorme sourire au visage. C'est bon d'être ici et je retrouve aisément mes repères dans ce lieu que j’ai vu naître de près en 2014. Un imposant cellier accueille désormais le client et une grande étagère en bois rustique, remplie des bocaux en vitre dans lesquels reposent des légumes, attire au premier coup d’œil.

Le chef Stéphane Roth me salue et me souhaite la bienvenue dans sa nouvelle maison, le bistro Hortus. Il met la main sur un des pots à mes côtés et se dirige tout droit en cuisine. Ce sont là des légumes en processus de fermentation lactique — ou lactofermentation —, la nouvelle passion du cuisinier de renom. Cette méthode ancienne de conservation des aliments est reconnue pour ses bienfaits sur la flore intestinale. La choucroute et le kimchi en sont de parfaits exemples.

Le duo créatif Collin-Roth a opéré pendant près d’une décennie le défunt restaurant Le Patriarche à proximité de la porte Saint-Jean, un des rares établissements au Canada intronisés dans le club sélect des 5 diamants, la plus haute distinction accordée par l'Association américaine (AAA) et l'Association canadienne (CAA) des automobilistes. Leur réputation n’est plus à faire, mais visiblement, ils ne s’assoient pas sur leurs lauriers.

Repenser sa clientèle

Au fil des années, ces deux entrepreneurs ont fait de leurs restaurants du Vieux-Québec — Stéphane opère aussi le BEClub bistro-bar dans les anciens locaux du Patriarche – des établissements hautement fréquentés par les touristes de passage dans la capitale. Le Tournebroche était une des rares adresses du quartier à offrir une expérience bistronomique réfléchie de la terre à la table fortement ancrée dans le territoire.

On était habitué de faire du 300-400 clients par jour et du jour au lendemain, plus rien, car la population locale ne nous connaît pas, souligne Guy. Il fallait donc revoir notre image afin de parler davantage à la population locale, car la pandémie a eu l’effet d’un coup de hache dans nos habitudes.

« L’erreur qu’on a faite depuis le début est celle de miser uniquement sur le touriste. C’était l’avantage de notre positionnement géographique. La seule chose qu’on pensait qu’il allait nous arriver, le seul extrême qu’on avait envisagé, est en lien avec nos aliments. Pas le touriste, pas notre clientèle, et surtout pas à cette échelle-là. »

— Une citation de  Guy Collin, co-propriétaire bistro Hortus

L’équipe a fermé les portes du Tournebroche l’automne dernier et s’est mise en mode remue-méninges afin de revoir son image et sa vision de l’avenir.

Pour amener une clientèle québécoise plus jeune, il n’y a rien de mieux qu’un nacho, lance tout sourire Abigaïl Collin, fille de Guy et responsable des réseaux sociaux de l’entreprise. C’est elle qui est derrière le nom Hortus, soit le jardin en latin. Celle qui étudie actuellement en art au cégep croit que l’établissement de son père gagnera à parler davantage aux jeunes de sa génération.

Le nacho de chips de taro avec trempette de haricots noirs, salsa de tomates biologiques et crème sûre à l’argousier. Un incontournable tant pour l’originalité que le plaisir en bouche.
Le nacho de chips de taro avec trempette de haricots noirs, salsa de tomates biologiques et crème sûre à l’argousier. Un incontournable tant pour l’originalité que le plaisir en bouche. | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Le chef Roth a mis son savoir à l’œuvre dans ce plat qui fait appel à des chips de taro – un légume racine d’origine asiatique qui pousse au Québec –, du fromage cheddar de L’Isle-aux-Grues, une crème sûre à l’argousier, une trempette de haricots noirs, de la coriandre et une salsa maison qui couronne le plat. Elle est incroyablement délicieuse.

Chef Roth récupère l’eau de la chair des tomates biologiques récoltées sur le toit du bâtiment avec laquelle il procède à une réduction. Il intègre ensuite cette réduction aux dés de chair du fruit. Cette étape supplémentaire a pour effet d’atténuer l’acidité caractéristique de la salsa. En résulte une assiette qui permet à un diabétique de manger sans se soucier de son insuline, souligne Stéphane.

Il dépose par la suite un plat d’omble chevalier devant moi, un poisson élevé par Benoît-Michel Beïque de la Pisciculture Charlevoix, située aux Éboulements. La chair douce, délicate et très légèrement fumée est posée sur une sauce homardine – une bisque dans laquelle de la crème est ajoutée –, nacre mon palais de plaisir. L’acidité bien dosée des traits de purée d’argousier nettoie quant à eux ma bouche de façon quasi instantanée. Stéphane excelle dans les sauces.

Les aliments dans mon assiette sont 100 % traçables. S’ils ne sont pas biologiques, ils proviennent de productrices, éleveurs et fermières des régions avoisinantes avec qui Guy Collin entretient une relation d’affaires depuis de nombreuses années. C’est beaucoup plus que de la business rendu-là, c’est très sincèrement de l’amitié, souligne-t-il.

À ma grande surprise, il n’y a pas une trace de féculent avec mon poisson. Désormais, les frites biologiques de la ferme Manche de Pelle sont servies à part à la demande du client. Audacieux. En accompagnement au salmonidé, il n’y a que des légumes aux couleurs vives qui ont poussé directement sur le toit au-dessus de ma tête et qui ont subi une lactofermentation.

Le Jardin sur le toit du restaurant où il y a notamment des ruches. C’est le terrain de jeu de la jardinière Peggy Ann Comeau.
Le Jardin sur le toit du restaurant où il y a notamment des ruches. C’est le terrain de jeu de la jardinière Peggy Ann Comeau. | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Le but est de garder nos bons légumes, récoltés au bon moment de l’année, afin d’être le plus locaux possible, souligne le chef qui a récemment été diagnostiqué avec un diabète de type 2. Une sensibilité qui l’inspire dans la création de ses plats adaptés aux cétogènes, aux végétaliens, ainsi qu’aux mangeurs cœliaques ou intolérants au gluten.

« J’ai complètement revu mon régime alimentaire. Ce que je mange, je veux aussi l’offrir à mon client. Ma nouvelle alimentation dans ma vie personnelle m’a aussi fait prendre un virage dans ma vie professionnelle.  »

— Une citation de  Stéphane Roth, chef copropriétaire du bistro Hortus

Un autre item au menu attire mon attention. Sous la catégorie plats signatures, un tartare de doré! Je remarque d’abord le généreux bouquet d’aneth — mon herbe préférée! —, puis une légère touche de miel d’été qui, me souligne-t-on, provient des ruches sur le toit. L’acidité du fameux balsamique de France Gagnon et Vincent Noël de la Vinaigrerie du Capitaine, à l’île d’Orléans, équilibre les goûts tout en laissant la chair du poisson s’exprimer.

Bravo pour la valorisation de la peau du poisson, trop souvent relayée à la poubelle. Transformée en chip, elle procure un élément de finesse intrigante à l’assiette, en plus d’un certain plaisir otique par sa texture franchement croustillante.

Tartare de doré et son chip de peau accompagnée de la crème et la moutarde de cassis de la Vinaigrerie du Capitaine à l’île d’Orléans.
Tartare de doré et son chip de peau accompagnée de la crème et la moutarde de cassis de la Vinaigrerie du Capitaine à l’île d’Orléans. | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Miser sur le bio

L’offre se distingue par la qualité des aliments au menu, dont 90 % sont certifiés biologiques. Un autre choix audacieux que l’homme d’affaires Guy Collin n’aurait jamais osé faire avant la pandémie.

À l’époque du Tournebroche, on jouait un peu avec le bio, mais pas à ce point-là, car j’avais peur du prix. Je n’y croyais pas assez, avoue-t-il. La pandémie a fait faire un virage important aux consommateurs et je pense que les gens comprennent mieux ce que ça représente les produits bios. Ils sont prêts à mettre les sous de plus.

La maturité m’a amené à avoir de meilleures relations avec mes fournisseurs. Avant, j’étais plusbusiness, maintenant je sais que ça va couler tout seul, car ce sont aussi des relations amicales d’entraide.

L’ajout d’un simple code QR imprimé sur le menu, un instrument technologique de plus en plus commun, permet de relier en un clic les mangeurs aux nombreux artisans impliqués de très près dans la création de leur repas. L’innovation ne s’arrête pas là, car l’aéroponie fait de plus partie de leur avenir.

Une petite chambre du 4e étage de l’Hôtel du Vieux-Québec a été complètement réaménagée pour l’installation des équipements. L’aéroponie est une culture hors-sol que la NASA considère comme étant l’une des meilleures solutions écologiques pour le futur de l’agriculture et de la sécurité alimentaire. Ça permet de faire pousser des herbes et des légumes avec très peu d’eau, d’engrais et aucun pesticide.

Alors que plusieurs croient que l’avenir n’est que dans le champ, l’équipe du bistro Hortus prouve qu’elle est aussi entre les mains des artisans de l’industrie de la restauration. Investir les efforts nécessaires afin de montrer à la population locale la fierté d’une expérience culinaire locale, permettra un jour aux touristes de renouer avec Québec et propager toute la beauté de la culture culinaire québécoise d’aujourd’hui.


Hortus
1190, rue Saint-Jean, Québec
Hortus.ca(Nouvelle fenêtre)

Le bistro Tournebroche du Vieux-Québec refait son image et devient Hortus. | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel