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L'amenagement d'un lieu d'exposition funéraire a domicile.

Un musée de Thetford Mines qui garde bien vivante l’histoire des rites entourant la mort

On est tous plus ou moins habités par une drôle d’impression lorsqu’on entre dans un salon funéraire. Particulièrement quand le corps d’un défunt y est exposé. Même si les rites ont changé, qu’ils sont notamment moins religieux et plus expéditifs, on n'est jamais indifférent lorsqu’on met le pied dans un endroit consacré à la perte d’un être cher. La Maison du patrimoine funéraire de Thetford Mines nous permet de nous rappeler qu'à une autre époque au Québec, le rituel de la mort était passablement plus intense.

D’abord par ce qu’il se passait à la maison. Imaginez aujourd’hui que la dépouille d’un de vos proches soit exposée dans votre salon. C’était pourtant la façon de faire avant l’arrivée des premiers salons mortuaires dans les villes à la fin des années 1930, explique le propriétaire du musée, François Gamache. On a recréé un aménagement de 1915 où la personne n'était pas exposée dans un cercueil, mais sur un lit aménagé à cet effet.

On voit une belle représentation de ça dans la série télévisée les filles de Caleb, où le père est exposé, non pas dans un cercueil, mais comme sur un lit.

Une citation de François Gamache, propriétaire de la Maison du patrimoine funéraire
un lit pour exposer un mort.

En 1915, la dépouille du défunt était déposée sur un lit dans une pièce de la maison plutôt que dans un cercueil.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperriere-Roy

Veiller le mort à la maison

Dans la résidence du défunt, la plupart du temps sans électricité, on peut aisément ressentir l'ambiance qui régnait. L’entrepreneur funéraire traînait avec lui tout l'attirail nécessaire : des chandeliers, des lampes, le tapis, les tentures, les objets religieux. Il pouvait même fournir les vêtements mortuaires nécessaires pour habiller la dépouille. Il arrivait avec une douzaine de valises et déployait son décor dans le salon familial. C’était le début d’une longue période de veille auprès du corps qui durait plusieurs jours avant la célébration religieuse et la mise en terre.

Même aujourd'hui, les gens hésitent à garder l'urne des cendres à la maison. Alors, vous imaginez, tout d'un coup, les enfants voir grand-papa exposé dans la maison jour et nuit pendant trois jours.

Une citation de François Gamache, propriétaire de la Maison du patrimoine funéraire
un homme dans le hall d'entree d'un salon funeraire.

François Gamache aimerait ouvrir la Maison du patrimoine funéraire de Thetford Mines au grand public à l'automne 2025.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperriere-Roy

Fier de nous faire visiter les lieux, François Gamache nous explique qu’il a pu mettre sur pied cette exposition grâce à la riche collection Lavallière. Il y a 40 ans, son entreprise a fait l’acquisition de la résidence de cette famille qui a commencé dans le domaine en 1916. Au cours du dernier siècle, elle avait accumulé des objets funéraires de toutes sortes qui ont été légués dans la vente.

La famille Lavallière qui opérait le salon funéraire ici conservait des choses sans nécessairement avoir un objectif d'exposition, souligne-t-il. Quand on a réalisé la quantité d'objets qui pouvaient être mis en valeur, c'est là qu'on a commencé à la mettre sur pied tranquillement.

un cerceuil dans un salon funeraire.

Aménagement d'une exposition dans un salon funéraire des années 1950-1960.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperriere-Roy

Dans une société où la mort demeure un sujet que l’on veut souvent éviter, la présence d’un tel musée peut permettre de dédramatiser cette étape incontournable de la vie, croit le thanatologue. On se rend compte lors des visites sur invitation qu’il y a vraiment un intérêt, [...] les gens qui viennent nous visiter posent des questions non seulement sur le passé, mais aussi sur le présent.

equipement pour embaumer un defunt.

Au début, les embaumements se faisaient à domicile par les thanatologues.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperriere-Roy

En circulant devant les différents tableaux, on apprend que c’est dans les années 1920 que le procédé d’embaumement du corps a été proposé aux familles. Il était d’ailleurs pratiqué à domicile par celui qu'on appelait à l'époque le croque-mort. C’est M. Lavallière qui a introduit cette pratique ici à Thetford Mines, fait remarquer François Gamache. Auparavant, ça ne se faisait pas. Il a été le premier.

La technique utilisée à cette époque était sensiblement la même que celle pratiquée aujourd’hui, précise-t-il. C’était tout un changement quand on pense qu’avant cela, le corps était couché sur de la glace pour réussir tant bien que mal à le conserver le temps de l’exposition.

un livret sur l'art d'embaumer.

«C’est dans les années 1920 que le procédé de conservation a été proposé aux familles», explique François Gamache.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperriere-Roy

C'est l'entrepreneur qui apportait ses produits, son équipement, sa table d'embaumement. Et puis, il préparait la personne dans la chambre et par la suite, il l'exposait dans le salon familial.

L’arrivée des salons funéraires

Au fil des années, les pratiques funéraires ont quitté les maisons pour s’établir dans les salons mortuaires. Cette transition s'est toutefois faite avec une certaine hésitation, explique François Gamache. On dit que les familles avaient l'impression de se débarrasser de leurs parents en ne les gardant pas à la maison jusqu'à la toute fin.

Les arrangements de fleurs thématiques avec la croix, le cœur, les portes du ciel, ça s'est beaucoup développé dans les années 1950 et 1960. C'est ce qu'on a voulu recréer.

Une citation de François Gamache, propriétaire de la Maison du patrimoine funéraire
salon funeraire.

Le salon funéraire s'est implanté principalement dans les moeurs dans les années 1950.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperriere-Roy

Les arrangements floraux de toutes sortes ont effectivement été longtemps la manière d'offrir les condoléances à la famille du disparu. Mais aujourd’hui, le parfum floral si particulier qui embaumait l’air des salons funéraires s’est estompé. Un don à une fondation est devenu la façon d'offrir son appui à une famille endeuillée. Même les cortèges ont presque cessé de défiler alors qu'ils étaient la norme.

François Gamache nous conduit justement en face de son musée pour nous faire voir trois véhicules Cadillac funéraires de 1968 qui font partie de la collection. Il mentionne que lors des obsèques de l'ancien premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, 36 véhicules convertibles ornés de fleurs composaient le cortège.

un cadillac servant a transporter des fleurs.

«C’était typiquement québécois d’utiliser un convertible et d’adapter une plateforme pour les fleurs», affirme François Gamache de la Maison du patrimoine funéraire.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperriere-Roy

Valorier un métier mal-aimé

Malgré le caractère sombre de l'exposition, le thanatologue croit que les visiteurs de la Maison du patrimoine funéraire se plairont de découvrir ce pan important de notre histoire. On ne veut rien de macabre. La façon dont l'exposition est présentée, c'est vraiment pour mettre en valeur les objets qui ont été utilisés à travers les années.

François Gamache, dont la relève de son entreprise funéraire est déjà assurée par ses enfants, souhaite faire de ce musée son projet de retraite. La collection qu'il a rassemblée permet assurément d'honorer des travailleurs dont la mission, si essentielle, a depuis toujours inspiré la crainte et un certain rejet.

Actuellement accessible sur rendez-vous, la Maison du patrimoine funéraire pourrait ouvrir ses portes au grand public à partir de l'automne 2025.

bureau avec des accessoires.

La Maison du patrimoine funéraire de Thetford Mines retrace près de 130 ans d'histoire.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperriere-Roy

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