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L’art et la vie sans compromis

L’art et la vie sans compromis

Texte : Célyne Gagnon Photographies : Simon Gohier

Publié le 26 juillet 2023

Le regard pétillant sous ses jolies mèches blanches, Lucille Proulx raconte sa vie trépidante : des études universitaires alors qu’elle vivait de l’aide sociale; son travail d’art-thérapeute mené auprès des familles; le doctorat qu’elle n’a pas pu faire en Angleterre pour des raisons financières; la reconnaissance par ses pairs, dont le petit-fils du psychanalyste Sigmund Freud; l’école qu’elle a fondée en Thaïlande; et maintenant les ateliers artistiques qu’elle donne à Victoria, en Colombie-Britannique, où elle réside.

Pourtant, celle qui est surnommée la grand-mère de l’art-thérapie s’est plongée dans ce domaine par hasard et par nécessité, alors qu’elle avait plus de 50 ans et qu’elle était mère monoparentale de huit enfants!

Véritable force de la nature, Lucille, maintenant âgée de 91 ans, jette un regard lucide sur sa carrière tardive. Il faut tirer avantage des accidents! dit en riant celle qui, en plus d’être artiste, ne donne pas sa place sur un terrain de croquet.

Tu grattes seulement la surface; il s’en est passé, des affaires, dans ma vie, lance-t-elle en rangeant le boyau avec lequel elle arrose les plates-bandes fleuries de la maison qu’elle partage avec Mike, l’aîné de ses trois fils.

L’histoire de Lucille, une femme reconnue comme une pionnière de l’art-thérapie grâce à ses méthodes auprès des jeunes enfants d’âge préscolaire et à ses théories qui ont transformé la discipline au Canada comme à l’étranger, rappelle que la vie ne s’arrête pas à la cinquantaine et qu’il n’est jamais trop tard pour laisser sa marque.

Lucille Proulx peint à son chevalet. Photo : Radio-Canada / Simon Gohier

Trouver sa voie
Trouver sa voie

Originaire d’Ottawa et née au sein d’une famille nombreuse, Lucille est peu douée pour les études à son jeune âge, mais elle excelle dans les cours d’art. C’est toutefois à Terre-Neuve-et-Labrador, où elle s’installe à la fin des années 1950 avec son mari membre de la Marine royale canadienne, qu’elle découvre sa passion pour les arts visuels.

Physiquement épuisée et psychologiquement ébranlée après un quatrième accouchement difficile qui a failli lui coûter la vie, elle cherche alors à se refaire une santé sans avoir recours à des médicaments. Une amie lui suggère de suivre des cours de peinture à l’huile. Résultat : Lucille s’inscrit à l’Université Memorial. Ce cours d’art se révélera non seulement bienfaisant, mais aussi un moment fondateur dans son parcours.

« J’étais moi! Mon moi intérieur, qu’on a de la misère à toucher, je le touchais. »

— Une citation de   Lucille Proulx

À partir de ce moment-là, et malgré toutes les contraintes que lui imposera sa vie de famille nombreuse, Lucille ne déposera plus jamais ses pinceaux. Cette créativité sera pour l’artiste le point de départ d’une carrière exceptionnelle.

Des pinceaux.

Alors âgée de 50 ans, Lucille vit un tournant et sent le besoin de se retrouver. Elle se souvient du conseil d’une enseignante, lorsqu’elle était adolescente, qui lui avait laissée entendre que sans un baccalauréat, il lui serait probablement difficile de se trouver un emploi.

J’étais mariée, j’avais deux filles à la maison [des jumelles qui allaient commencer l’école primaire]; les plus vieux étaient soit à l’université, soit mariés, et j’étais déjà grand-mère. Je me suis souvenue de ses paroles et j’ai donc décidé que j’allais aller à l’école et que j’allais obtenir un bac, affirme la nonagénaire qui a de l’énergie à revendre.

Le début d’une vocation

De retour à Ottawa, et agissant à titre de présidente de l’Association des parents de jumeaux, Lucille est inspirée par un cours dont le sujet est comment être un parent efficace. Elle organise donc une conférence sur ce thème pour les membres de l’association et invite des travailleuses sociales à y prendre part. Ça a été un beau succès. Quand la conférence a été finie, j’ai réalisé que j’avais de l’expérience avec les enfants et que ce travail m’intéressait, raconte celle qui s’est ensuite inscrite à un cours d’été en psychologie.

Si la psychologie l’intéresse, c’est un cours d’histoire de l’art qu’elle suit également qui sera déterminant dans son orientation vers l’art-thérapie. Quand j’ai commencé les cours d’histoire de l’art… c’est comme si mon cerveau était sec avant, et là, j’étais dans l’eau! illustre-t-elle. C’est ça qui m’a fait continuer. Je n’ai jamais douté; jamais je ne me suis demandé si je devais continuer mes études ou pas. Jamais!

Lucille s'épanouit; elle est alors divorcée depuis peu, et ses études lui donnent un second souffle. Quand j’ai commencé l’université, à 50 ans, j’ai cru que mon horloge biologique avait reculé de 20 ans! se remémore-t-elle en riant.

Coup sur coup, elle obtient un baccalauréat en beaux-arts de l’Université d’Ottawa, puis une maîtrise en art-thérapie de l’Université Concordia, le seul établissement d’enseignement canadien qui offre ce programme à ce moment-là.

Lucille Proulx montre une de ses toiles, en juin 2023, à Victoria, en Colombie-Britannique.
Pour être une très bonne art-thérapeute, Lucille a toujours poursuivi sa propre pratique artistique.  Photo : Radio-Canada / Simon Gohier

Au fait, pourquoi l’art-thérapie? Ça a d’abord été une façon de faire de l’argent. J’étais monoparentale; j’avais besoin d’avoir une job, puis je voulais continuer à faire de l’art. Accidentellement, j’ai appris à faire de l’art-thérapie.

Pendant les deux stages d’études qu’elle fait au Département de psychiatrie de l’Hôpital de Montréal pour enfants, Lucille se démarque. Ses compétences, son intuition et sa capacité à aller vers les autres séduisent les gens. À l’époque âgée de 60 ans, elle est tout de même étonnée quand on lui offre un poste d'art-thérapeute une fois sa maîtrise terminée, en 1984.

Cela ne surprend aucunement Pierre Plante, art-thérapeute, professeur et directeur du Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il a connu Lucille au moment de son propre stage de maîtrise en art-thérapie à l’Hôpital de Montréal pour enfants, au début des années 1990. Cette relation s’est transformée en une solide amitié.

« Malgré sa bonne humeur, Lucille est très sérieuse, et on constate rapidement sa rigueur intellectuelle. Elle repère ce qui fonctionne, mais elle cherche aussi à savoir pourquoi ça fonctionne. »

— Une citation de   Pierre Plante, directeur du Département de psychologie de l’UQAM
Lucille Proulx aime beaucoup les éléphants. Photo : Radio-Canada / Simon Gohier

Une thérapeute visionnaire
Une thérapeute visionnaire

Lucille innove d’abord en concevant une approche thérapeutique à l’intention des tout-petits qui ne parlent et ne lisent pas encore. Cette approche est révolutionnaire, car la pratique est jusqu’alors conçue pour des enfants qui savent lire et parler. Je dis aux parents : n’initiez rien. Suivez votre enfant. C’est comme ça que vous lancez la conversation.

Elle élabore aussi des méthodes d’intervention qui reposent sur sa théorie de l’attachement en proposant une approche qui a pour but d’établir une relation parent-enfant fonctionnelle dans laquelle l’enfant et le parent – ce qu’elle nomme la dyade – participent conjointement à des séances d’art-thérapie. Je ne suis pas la thérapeute de l’enfant ou du parent; je suis la thérapeute de la relation, insiste Lucille.

Ce qu’elle offrait était très novateur, parce que travailler en tandem avec les parents et des enfants d’âge préscolaire ne se faisait pas en milieu hospitalier, dit le professeur de psychologie de l’UQAM Pierre Plante.

Non seulement Lucille pose des bases nouvelles, mais elle fonde également, en 2012, le Canadian International Institute of Art Therapy (CIIAT). Cet établissement a pour mission de former des thérapeutes tout en faisant connaître à plus grande échelle l’art-thérapie, cette méthode de soins psychothérapeutiques qui utilise l'art et le processus créatif pour permettre l'expression autrement que par la parole, visant ainsi à faciliter la prise de conscience et la résolution de problèmes.

Des écoles d’art-thérapie, la grande dame de cette discipline en ouvrira également au Japon et en Thaïlande, un pays auquel elle a toujours un grand attachement.

L’artiste Cheryl-Ann Webster, qui dirige le CIIAT à l’heure actuelle, a un grand respect pour sa fondatrice et reconnaît son apport à la discipline : L’art-thérapie de la dyade est une approche révolutionnaire dont Lucille est la pionnière.

Lucille a d’ailleurs consigné ses théories sur le sujet dans deux ouvrages qui ont été traduits dans plusieurs langues.

Elle a écrit un livre sur l’attachement, et c’est essentiel en psychologie aujourd’hui. C’est une contribution très importante qui a changé ma façon de voir la psychologie et de mener ma pratique, affirme la psychologue et psychothérapeute Johanne Hamel, fondatrice d’une l’école d’art-thérapie à Sherbrooke, au Québec.

Les deux femmes se sont connues dans le cadre de leur travail, se croisant lors de conférences sur l’art-thérapie. Lucille a eu de bons arguments pour convaincre Johanne, au lendemain de sa retraite, d’aller enseigner l’art-thérapie dans sa propre école, en Thaïlande.

Johanne a accepté et y enseigne désormais une fois par an. Je considère Lucille comme ma mentore; j’ai beaucoup d’admiration [pour elle]. Elle a une énergie incroyable, s’exclame-t-elle, avant d’ajouter : Il y a des gens qui me disent : "J’ai 45 ans, je ne peux pas commencer des études en art-thérapie…" et je leur donne l’exemple de Lucille.

Lucille Proulx dans son atelier à Victoria, en Colombie-Britannique, en juin 2023.

Malgré tout, une seule ombre assombrit aujourd’hui le regard que porte Lucille sur ses réussites professionnelles : celle de ne pas avoir poussé ses études jusqu’au doctorat.

J’ai fait une demande d’admission au doctorat en Angleterre. J’ai été acceptée, mais je n’avais pas les 150 000 $ que coûtait le programme. Et puis j’ai fait des demandes de fonds, mais qui aurait donné de l’argent à une femme de 75 ans?, soulève-t-elle en plissant des yeux, résignée.

La thérapeute par l’art est catégorique : ses écrits auraient davantage de valeur s’il y avait le titre de Dre (pour docteure) placé devant son nom.

C’est une distinction que lui a néanmoins accordée le docteur Ernest Freud, petit-fils du célèbre psychanalyste Sigmund Freud, qui a rencontré Lucille Proulx à l’occasion d’un séjour de travail à l’Hôpital de Montréal pour enfants.

Deux lettres écrites par W. Ernest Freud adressées à Lucille Proulx.
Ernest Freud, qui pratiquait la psychanalyse en Allemagne, est venu en visite à Montréal, où il a pu observer les méthodes de Lucille Proulx.  Photo : Radio-Canada / Simon Gohier

Avec toute la verve et le dynamisme qui la caractérisent, Lucille a invité Ernest Freud à mettre la main à la pâte, au propre comme au figuré, en participant à diverses activités d’art-thérapie. Le psychanalyste a été conquis et, dans sa lettre de remerciements adressée à Dear Dr. Proulx, il exprime sa reconnaissance, car il dit avoir beaucoup appris de ses méthodes.

Lucilles Proulx en train de faire de l'art thérapie avec un groupe, à Victoria, en Colombie-Britannique, en juin 2023. Photo : Radio-Canada / Simon Gohier

Artiste avant tout
Artiste avant tout

Lucille ne consacre désormais plus tout son temps à ses activités professionnelles d’art-thérapeute comme elle l’a fait durant plus de 30 ans, en grande partie en raison d’un cancer du sein qui l’a affligée en 2021. Maintenant, elle continue de transmettre les bienfaits de la pratique créative en donnant des ateliers d’art, chaque semaine, dans un centre pour aînés de Victoria, où elle se rend en transport adapté.

« Quand j’ai découvert l’art-thérapie, j’ai décidé que, pour le restant de mes jours, ce serait soit faire de l’art, soit aider d’autres personnes à découvrir le plaisir de faire de l’art. »

— Une citation de   Lucille Proulx

Pour ce dernier rendez-vous de la saison, huit femmes d’âge mûr attendent le début de l’atelier avec impatience. Le groupe est joyeux, les blagues et les rires fusent; une atmosphère de jardin d’enfants pour adultes règne.

Les femmes s’installent dans la grande pièce éclairée au néon, où des tables abondamment garnies de pots de peinture, de poudres scintillantes, de menus objets, de retailles de papier et de bouts de tissu de diverses teintes les attendent.

Lucille nomme ces ateliers Art for Anyone (l’art pour tout le monde), car elle tient à ce que toutes les participantes se sentent incluses, quels que soient leur talent ou leurs habiletés. L’important, comme elle le précise, c’est de laisser parler sa créativité. Je ne leur demande pas d’utiliser leur côté cognitif; je leur demande de se servir de leur côté créatif, nuance-t-elle. C’est ça qui est le côté thérapeutique. L’idée de ce cours, c’est de laisser chaque personne trouver son art.

Lucille explique aux participantes que le projet du jour sera une œuvre collective à réaliser sur un grand cercle en carton. Tout est permis, rien n’est dicté... si ce n’est qu’il ne doit pas y avoir d’espaces blancs : toute la surface doit être décorée!

Joan adore ces ateliers. La pharmacienne à la retraite qui pratique l'art du tissage aime sortir de sa zone de confort et explorer de nouvelles choses : Cet atelier est une façon d’explorer de nouvelles façons de faire dans ma pratique. Ça m’a aussi permis de connaître Lucille et de mesurer combien elle enrichit nos vies… et de rencontrer ces femmes formidables.

Madeleine, une Fransaskoise récemment installée dans la capitale britanno-colombienne, s’intègre doucement à la belle énergie du groupe. Elle pose délicatement un bout de tissu sur le cercle et prend plaisir à évoquer ce qui l’a amenée à s’inscrire aux ateliers.

C’est après avoir entendu une causerie TEDTalk dans laquelle on expliquait les bienfaits d’une pratique artistique quotidienne sur la santé mentale que j’ai repéré l’atelier de Lucille, Art for Anyone, explique-t-elle. L’art nous sort de notre tête; je me suis dit que je devais faire un effort. Je peux à peine dessiner, mais j’aime ça, et Lucille a beaucoup d’expérience.

Parce que faire de l’art, c’est aussi se découvrir, de l’avis de Tracy Ryan, la directrice du centre communautaire Silver Threads, où ont lieu les ateliers. Celle-ci avoue que depuis qu’elle connaît Lucille, elle a elle-même repris les pinceaux et renoué avec le plaisir de peindre.

Photo d'archive de Donna Casa-Martin et de Lucille Proulx. Photo : Fournie par Lucille Proulx

C’est aussi un peu grâce à Lucille que Donna Casa-Martin est devenue artiste. Son ancienne collègue, psychologue de métier, avait suivi les cours que Lucille avait instaurés à l’Hôpital de Montréal pour enfants, car elle était désireuse de forger une complicité au sein de son équipe. J’adorais ces ateliers et les exercices de dessin que nous faisions. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé ma toute première peinture, et ça a été le coup de foudre, se souvient Donna, qui expose ses œuvres principalement au Québec.

Lucille Proulx en train de jouer au cricket, à Victoria, en Colombie-Britannique, en juin 2023. Photo : Radio-Canada / Simon Gohier

La vie devant soi
La vie devant soi

Lève-tôt, Lucille a un emploi du temps étourdissant, qui va de l’aquagym aux parties de golf et de croquet en passant par le bénévolat et la pratique artistique. Il faut avoir du fun! fait-elle remarquer. Ça ne fait rien, si tu fais beaucoup d’exercice, si tu n’as pas de plaisir; ton corps n’absorbe pas le bienfait de l’exercice.

Deux ou trois fois par semaine, Lucille enfile avec enthousiasme son haut blanc et ses pantalons marron, tenue vestimentaire officielle du Canadian Pacific Lawn Bowling and Croquet Club de Victoria.

Ce matin, le soleil est radieux; l’air est frais et le ciel, sans nuages. Derrière ses verres fumés, Lucille scrute le terrain, jaugeant l’emplacement des balles. Le coup est net et précis, et sa balle traverse le cerceau; un vrai coup de maître. Lucille lance un petit cri de plaisir en levant le bras, avant de faire un high five à sa partenaire.

Je n’ai pas 91 ans; j’en ai 19. L’année prochaine, je pourrai commencer à fréquenter les garçons! lance-t-elle avec le sourire aux lèvres. Comme quoi le bonheur de la réussite n’a pas d’âge.

C’est sur le terrain de croquet que les Québécois d’origine Michel et Hélène Bisaillon ont connu Lucille et qu’ils sont devenus amis.

Le couple est collectionneur d’art et mécène dans ce domaine. Il a fait l’acquisition de l’une des six petites toiles qu’a peintes Lucille pour souligner le 100e anniversaire du Club, en 2023. Hélène assure en souriant que l'œuvre a trouvé sa place à proximité de celles des fameux peintres canadiens du Groupe des Sept dans l’appartement du couple.

Cultiver l’art d’apprendre

Pierre Plante, de l’UQAM, souligne aussi le plaisir de vivre qui habite Lucille, ce goût qu’elle a de découvrir et d’expérimenter des choses. Lucille est dotée d’une grande curiosité intellectuelle, ouverte sur le monde et portée par un humanisme profond ainsi qu’une soif intarissable de comprendre le monde qui l’entoure, mentionne-t-il.

Joan Stewart et Betty Lunan, deux amies proches de Lucille, sont témoins de cette curiosité débordante.

Betty est artiste peintre. Au fil de son amitié avec Lucille, les deux femmes ont beaucoup échangé sur l’art, et ces conversations lui ont permis de porter un regard neuf sur son passé. Le travail de Lucille en art-thérapie m’a fait voir les dessins de mes enfants sous un angle nouveau, dit-elle.

Betty évoque plus précisément un dessin réalisé par son fils lorsqu’il était tout jeune, dans lequel il se montre démesurément petit, à côté d’une école gigantesque. En regardant le dessin en question récemment, elle s’est demandé si son fils s’était alors perçu comme petit et sans importance. Ça m’a aidée à le comprendre, à le voir différemment et à véritablement mesurer son importance, avoue-t-elle.

Joan, qui a aussi été une collègue de Lucille au CIIAT, admire de son côté également l’énergie positive et la créativité de son amie. Elle m’a appris à rester curieuse et à toujours continuer d’apprendre de nouvelles choses. Pour elle, c’est le secret pour ne pas vieillir. C’est là une importante leçon de vie que j’ai apprise à ses côtés.

Aujourd’hui, Lucille s’identifie d’abord comme une artiste : Quand je fais de la peinture, je n’ai pas 91 ans. Je suis dans un autre espace. Je suis moi. Si elle a renoué avec le théâtre amateur il y a quelques années, les arts visuels demeurent la pierre angulaire de sa créativité.

Dans son petit atelier, elle pratique l’aquarelle, l’acrylique, l’huile, le fusain et les collages, pour explorer les thèmes qui lui sont chers : la nature d’abord, mais aussi la Thaïlande et ses éléphants.

Lucile Proulx devant son chevalet en train de faire du fusain, dans son atelier à Victoria, en Colombie-Britannique, en juin 2023.

Lucille dessine justement l’esquisse d’un éléphant. Je pense que je vais mettre un ciel magenta. Mon gros éléphant va dormir dans un ciel rose. Il me semble que ce serait le fun.

Son travail de thérapeute a-t-il eu une incidence sur son travail artistique? J’espère que non, répond-elle d’emblée. Ce sont deux choses tout à fait différentes, et il ne faut pas les mélanger. Si j’appliquais mes capacités d’art-thérapeute à mon tableau, peut-être que j’arrêterais de peindre… je ne le sais pas! s’exclame-t-elle en riant.

Cette mère et grand-mère inépuisable a également transmis sa créativité à la moitié de ses enfants. Sa fille Lucille-Marie Jodoin sculpte la pierre, tandis que ses fils Anthony et Joe sont musiciens et que sa fille Alexa chante tout en s’adonnant aux arts visuels.

Quand on était jeunes et qu’on s’ennuyait, ma mère nous enseignait à faire des choses créatives. Quand ta mère est une artiste, tu deviens une artiste, fait valoir sa fille Lucille-Marie, qui décrit sa mère comme une femme qui n’a pas appris qu’il est temps de vieillir et ne l’apprendra jamais!

Lucille le dit : Je n’ai pas peur de mourir. Je meurs, je vais m’endormir, puis ça va être fini. Puis si ce n’est pas fini, je vais être mauditement surprise, souligne-t-elle avec son humour habituel.

S’il n’est pas question de fin de vie pour l’instant, celle qui est encore sollicitée pour pratiquer l’art-thérapie avoue qu’elle veut désormais se mettre en priorité et avoir du temps pour peindre. Je vais avoir 92 ans; je pense que j’aurais le droit d’avoir 8 ans à moi!

Un maillet de croquet signé au nom de Lucille proulx, à Victoria, en Colombie-Britannique, en juin 2023. Photo : Radio-Canada / Simon Gohier

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