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Le conteur raconté

Le conteur raconté

Texte - Linda Corbo | Photos - Josée Ducharme | Design - Marie-Pier Mercier

Publié le 27 avril 2020

C'était la première fois que Fred Pellerin ouvrait les portes de sa maison pour une entrevue. Celles de sa cabane à sucre aussi. Même celles de son bureau. Nos discussions se faisaient en chaussettes, entre une jasette au comptoir de la cuisine, un petit détour sur sa terre à bois et une courte pause à la guitare.

Fred Pellerin se berce en regardant dehors.
Fred Pellerin dans sa cabane à sucre. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Quand Fred Pellerin sort de ses contes pour remonter le temps et se raconter lui-même, il est concentré. Le souci du détail est là. Petit moment d’arrêt à la conquête de sa propre histoire. Un conte réel celui-là, mais tout aussi fabuleux.

Dans la chaleur du bois qui encadre son salon, ses mots défilent pour que l’on refasse le fil de plusieurs bouts de sa vie. Certains pans de son histoire que l’on connaît moins que ses succès : ses racines, ses influences, son parcours. Ses passions aussi, à commencer par celle qu’il cultive pour les siens, pour les Caxtoniens, pour ce Saint-Élie qui le définit jusque dans les recoins.

Les allers-retours questions-réponses oscillent entre le ton de la confidence et quelques éclats de rire. Iris bleus centrés dans le verre clair de ses lunettes rondes. Le regard soutenu. Lui appelle ça du « drette dans les yeux ».

Il ouvre quelques parenthèses. Tantôt une tendre, tantôt une drôle, c’est selon. Avec cette manière de dire qui se propage jusque dans ses courriels et autres clins d’œil. Par texto, il nous avait écrit ce jour-là : Plateau de tournage prêt. Thé vert et tarte aux pommes. On va être bien.

Fred Pellerin ouvre la porte, une tarte à la main.
Fred Pellerin accueille ses visiteurs avec une tarte aux pommes. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

La tarte, il l’avait faite lui-même. Au petit matin. Parce qu’il aime les tartes aux pommes. Parce qu’il aime cuisiner. Parce qu’il aime recevoir. Pour mieux donner.

C’est ça aussi, le monde de Fred Pellerin.

André, le comptable conteur Photo : Avec l'autorisation de Fred Pellerin

André, le comptable conteur
André, le comptable conteur

Près d’une vingtaine de trophées sont alignés, plusieurs sur le manteau du foyer de sa maison, sinon sur le bord des fenêtres du salon, parce que trop nombreux. Des Félix, des Gémeaux, pour ses contes et sa musique.

Tous sont issus de la même matière : Saint-Élie-de-Caxton et ses dérivés. Les personnages, le territoire, les racines de ce village qui l’a vu grandir. Un village qu’il remodèle et redéfinit aujourd’hui à sa manière au gré de mille fantaisies et d’une sensibilité fine qui l’a mené dans les sillons de son art.

Des trophées Félix et Gémeaux sur le manteau de la cheminée.
Félix et Gémeaux, la récolte est belle pour celui qui sait marier conte et chanson. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Jamais il n’aurait pensé s’en faire un métier. Il n’en revient pas. Chaque fois qu’il rebondit sur une scène de gala, une statuette dans une main, hésitant devant le micro avant que ne résonne une cascade de rires, il reste un moment médusé. Il n’en reviendra jamais.

Les siens faisaient ça souvent, pourtant, dans la cuisine de son enfance. Son père et ses amis. Ceux qui lui ont transmis le gène du verbe et du « démanchage » de mots, mélange de délire et de réalité, selon Fred.

Ceux-là se produisaient sans micro, sans éclairage et sans trophée. Du pur. De l’échevelé. De l’emporté. Il a tout dégusté et tout absorbé.

Le père avisait ses deux fils qu’il invitait untel. Il leur promettait qu’il ferait de son mieux pour le « partir ». Fred et Nicolas savaient que si leur père y parvenait encore cette fois, la soirée serait chargée. Les deux frères s’asseyaient dans un coin pour se faire public. Se faisaient oublier. Devenaient captifs.

Avec les grands gestes qui accompagnaient ses histoires, l’un des amis du coin, feu Jack (Jacques) Langlois, a déjà brisé les luminaires au-dessus de la table de la cuisine chez les Pellerin. Le père le leur avait bien dit, à ses garçons, qu’il le partirait.

Ce père, c’est André. Homme de plusieurs silences, mais qui avait aussi son lot de grands succès à titre de conteur, des histoires que Fred Pellerin ne raconte pas sur scène. Il les réserve pour la voiture, lorsque ses trois enfants sont installés sur la banquette arrière. Captifs à leur tour.

André. Comptable de métier qui a failli léguer à son aîné un destin truffé de chiffres. Car Fred Pellerin s’était d’abord inscrit en administration des affaires à l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Le jour de la rentrée, il a bifurqué vers la littérature. Un pas de côté qui lui vaut aujourd’hui bien des trophées. Et du plaisir, en voulez-vous!

Eugène ou les débuts de l'art Photo : Avec l'autorisation de Fred Pellerin

Eugène ou les débuts de l'art
Eugène ou les débuts de l'art

Cette manie de se laisser emporter par son imaginaire débridé et d’ajouter des couches multiples à ses récits au fil du temps, le conteur l’a acquise tout petit.

Le grand-père paternel étant décédé bien longtemps avant que Fred ne vienne au monde, ce dernier s’en était adopté un. Eugène Garand, de la maison d’à côté.

Eugène et Juliette, de la bonté pure, souffle-t-il. De la bonté, des crêpes et de la soupe au riz. Ils avaient peu et donnaient grand. Ces gens-là, ils pouvaient emprunter plus pour t’en donner plus, raconte Fred. Des modèles.

Enfant, il possédait son propre coffre à jouets dans leur salon. Il mangeait ce qu’il désirait dans cette maison. Assez souvent, d’ailleurs, pour créer un malaise chez ses parents, qui ont usé de stratégie en instaurant un code avec les voisins. Quand la porte de la rallonge de la maison était ouverte, le petit pouvait y aller. Fred guettait le signal. Je regardais par la fenêtre, j’attendais qu’ils ouvrent la porte et je m’en allais là…

Une petite dénivellation se trouvait entre les deux maisons. La mère de Fred se rappelle avoir vu son rejeton monter cette petite butte à quatre pattes. Bébé Fred, déjà, à la conquête d’Eugène.

Elle a d’ailleurs encore en mémoire toutes ces veillées où un groupe d’amis se rassemblaient chez Eugène. L’histoire des lutins de Fred vient de chez lui. Il y avait un des amis qui avait des chevaux, raconte-t-elle. Il se fâchait après les lutins qui n’arrêtaient pas de tresser les crinières de ses chevaux. On n’est pas allés vérifier dans l’écurie... Mais Fred était assis et écoutait. Il en reparlait, lui, des lutins. Il y croyait.

Une porte minuscule a été placée au pied d'un arbre.
Le fantastique n'est jamais bien loin du côté de Saint-Élie-de-Caxton. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Ces soirées se déroulaient ainsi, dans l’abondance des mots, à travers ces histoires de lutins et de bien d’autres. Du conte de ligue majeure, se souvient Fred. Eugène, c’était un des forts… Lui, il se fâchait contre ses personnages et devenait rouge comme une tomate. On avait peur, dit-il. Il se battait, dans ses histoires... Il était fasciné par la force. Eugène pesait soixante-quinze livres, mais le nombre de gars qu’il a brisés dans une boîte de pickup!

Ses histoires prenaient d’ailleurs de l’ampleur d’une soirée à l’autre. Fred a appris à faire. Il a appris à écouter aussi. Quand je me retrouve avec une tablée de monde, je ne vais pas prendre le plancher. Il y a de très bons orateurs dans mon entourage et mon plaisir, c’est d’aller décoller ce monde-là, dit-il.

Selon son analyse, c’est à force d’écouter qu’il est devenu conteur. Ce plaisir est encore entier en dedans de moi. J’ai encore envie d’écouter, bien plus que de raconter.

Aujourd’hui, il sait bien qu’il a été influencé par tous ces gens qu’il a admirés. Un art qu’il a adapté pour la scène, car leurs histoires à eux n’auraient jamais pu y tenir. Parce que trop longues et, surtout, trop souvent inachevées. C’était un verbe, un swing, une manière de dire les choses. Une parlure aussi. J’aimais tout ça sans savoir ce que c’était, dit-il.

Une maison jaune.
La maison d'Eugène et Juliette. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

À la base, c’est donc dans cette chaleureuse maison que son futur s’est dessiné, celle d’Eugène et Juliette, qu’il avait rebaptisés Pépère et Mémère, et qu’il a beaucoup aimés.

Le jour où Marianne, la douce de Fred, a su qu’elle attendait son premier enfant, le futur père est allé cogner à la porte chez ses parents. En quête d’une petite bénédiction, raconte sa mère.

Il nous a demandé si on acceptait de se faire appeler Pépère et Mémère, parce qu’il voulait que ses enfants nous aiment autant que lui avait aimé Pépère et Mémère.

Aujourd’hui, c’est toute la famille qui l’appelle Mémère. Les gens me demandent si ça me dérange que mes enfants et petits-enfants m’appellent comme ça, mais non, dit-elle en souriant, parce que je sais ce que ça veut dire…

Mémère, le modèle communautaire Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Mémère, le modèle communautaire
Mémère, le modèle communautaire

Assise au coin de la table de cette cuisine où Fred a grandi, sa mère raconte. Pour elle, il s’agit d’une première. Elle n’accorde pas d’entrevue. Surtout pas. Elle aime beaucoup trop son anonymat. Exceptionnellement cette fois-ci, elle a accepté à la condition de ne pas être nommée ni vue clairement.

Le pacte passé, elle ouvre la porte de sa maison avec une chaleur qu’on reconnaît instantanément, qu’on vient de côtoyer chez Fred. D’ailleurs sur son visage, on retrouve les mimiques du fils. Une énergie commune aussi.

C’est une femme d’implication sociale, ma mère, nous avait décrit Fred. Une femme qui s’indigne, qui embarque dans des patentes, qui héberge du monde. Le sens du communautaire, c’est ma mère.

La dame a fondé la maison des jeunes de Saint-Élie avec d’autres parents, y a travaillé vingt-cinq ans et s’est impliquée dans plusieurs organisations du village. La maison, ici, a toujours été pleine de monde. Je pense que c’est ce que Fred a hérité de moi, dit-elle, tout sourire.

Chez lui, ce gène communautaire s’est d’ailleurs souvent incarné par une simple phrase qui, a-t-il appris, peut en amener beaucoup :

- « Vous viendrez à la maison! »

Le conteur dit qu’il est pris avec cette phrase-là. Toutes ses conversations, il les termine par cette ritournelle et ses dérivés : Tu viendras chez nous!, Tu viendras manger!, Tu viendras au village!

Il admet que ces phrases ont déjà occasionné un lourd trafic chez lui. À un moment donné, on a eu les enfants et ça n’avait plus de bon sens... Il a fallu que je trouve des maisons d’amis pour accueillir la visite parce qu’ici, c’était rendu un moulin.

Les maisons d’amis se sont ajoutées ainsi. On y entre à la bonne franquette. Chacune à la fois modeste et accueillante. Sa terre à bois, aujourd’hui, est elle aussi librement partagée. Il ouvre ses sentiers aux amis.

Si ce n’est pas fait en gang, pour moi ça n’a pas de sens… Faire des sentiers pour aller marcher dans le bois tout seul? Je n’en ferais pas, lance-t-il. Mon plaisir, il se mesure au nombre de personnes que ça va rendre heureuses.

Sauf qu’un jour, Fred est devenu plus grand, publiquement parlant. Ses publics sont passés de salles de 150 personnes à des enceintes de 1200 sièges, avec ce qu’on peut imaginer de conséquences.

« L’affaire d’avoir déclenché une patente touristique à Saint-Élie-de-Caxton, c’est juste une version plus grande de :

“Vous viendrez à la maison!”

Et quand ça n’entrait plus dans la maison…

“Vous viendrez au village!” »

Et c’est ainsi qu’à Saint-Élie-de-Caxton, les visiteurs se sont multipliés.

« Moi, quand ça fait huit mois que je dis aux gens : “Vous viendrez!” À un moment donné, ils arrivent et ils demandent :

- “Il est où, Fred? Il nous a dit de venir…” »

Un homme prend une photo du village de Saint-Élie-de-Caxton.
En réponse aux invitations de Fred Pellerin, les touristes ont rapidement adopté Saint-Élie. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Lors du premier été, le premier boom de Saint-Élie, les gens du village répondaient spontanément. Lorsqu’ils se voyaient interpellés dans la rue, les Caxtoniens se faisaient un devoir d’indiquer où était la maison de Fred Pellerin. On encourageait joyeusement les visiteurs à aller le voir, même. Avec, parfois, des indications plus précises encore.

- Ne cognez pas en avant! Il rénove en arrière. Entrez dans la cour, il est là!

Fred et son entourage ont alors songé qu’il serait peut-être bien de créer des visites guidées pour orienter tous ces gens. Dans le premier audioguide qu’on a fait, il y avait trente-trois capsules, en plus des extras. Tu pouvais quasiment partir pour la semaine au village, se souvient le conteur.

Fred en était ainsi rassuré. Je racontais le village, mais il fallait le voir, ce village, lance-t-il. Parce que je suis plate, moi, assis sur mon patio, dit-il en souriant. Au bout de dix ou quinze minutes, le monument, là, t’en as fait le tour…

C’est pour s’assurer que les gens ne s’embêtent pas en débarquant à Saint-Élie qu’il a créé les visites guidées. Et comme plusieurs de ses idées, petit projet est devenu gros.

Des touristes assis dans un autobus.
Pendant des années, les touristes ont profité des visites guidées de Saint-Élie avec, en exclusivité, la voix du célèbre Caxtonien. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Certaines années, 50 000 personnes sont débarquées, comme ça, dans le Caxton du Fred accueillant. Des commerces ont prospéré, d’autres s’y sont installés, de nouveaux habitants se sont amenés. Si bien que dernièrement encore, on a dû agrandir l’école du village. Cette école qui, auparavant, était menacée de fermeture.

Le sens du communautaire, il tient ça de sa mère. Beaucoup. Avec, encore, un petit ingrédient de plus.

Un petit supplément de leadership

L’accueil convivial, le sens de l’autre, on les ressent instantanément dans la cuisine d’enfance de Fred Pellerin, où sa mère parle de ses deux fils avec cette attention qui se retrouve aussi dans sa maison. Par une toile signée Fred sur un mur. Par un dessin qui repose sur la table de la cuisine, création de sa petite-fille. Ou par la photo de jeunesse de ses deux gars sur le meuble du coin.

Elle n’a jamais été inquiète pour l’avenir de ses fils, pas plus pour Nicolas que pour son aîné. Fred était ce genre de petit surdoué à qui on avait offert de sauter quelques années d’école, mais que sa mère a protégé de la chose, histoire qu’il ne se retrouve pas avec trop vieux que lui pour tous les autres aspects de sa vie estudiantine. Sage décision, considère-t-elle avec le recul.

Fred Pellerin marche avec sa mère.
Elle se fait appeler Mémère par les siens, un surnom qui trouve sa source dans une belle dose d'amour. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Nullement inquiète, donc, sauf sur un point. Ce qui m’inquiétait, c’est que plus jeune, il avait un leadership très, très, très fort, souligne-t-elle. Il a déjà fait faire la grève dans sa classe de 6e année. Il arrivait à l’école avec des pancartes et il faisait la grève.

Elle en rit de bon cœur aujourd’hui, mais s’est cassé la tête à cette époque. Elle raconte que les professeurs téléphonaient chez elle pour lui dire :

- Gardez-le donc une couple de jours!

Il avait beaucoup d’opinions, dit-elle, mais aucune malice. C’est un doux, qui a toujours été très sensible aux états d’âme autour de lui. Si je vis quelque chose, si son frère vit quelque chose, il veut tout de suite faire de quoi… Une sensibilité doublée d’un tempérament inquiet à ses heures. Petit, il était toujours à côté de moi. Un papier collant!, se souvient-elle en rigolant. « Quand il jouait dehors sur la galerie, il venait toutes les minutes crier :

–Maman!
–Oui?
–Ok!

Et il repartait… », relate-t-elle.

À certains moments, elle lui faisait la lecture. Je lui lisais des histoires et son père lui en racontait… Les Pellerin, ils ont le racontage, fait-elle valoir.

Jusqu’au moment où il a inversé les rôles. Il devait avoir 3 ou 4 ans quand un soir, il lui a dit : Prends un papier et un crayon, je vais te raconter une histoire et tu vas l’écrire.

Elle en a créé tout un cartable.

La portée des mots Photo : Avec l'autorisation de Fred Pellerin

La portée des mots
La portée des mots

Fred Pellerin avait 18 ou 19 ans quand il a compris que sa parole pouvait avoir une drôle de portée. Cette année-là, les gens de la station touristique Floribell, à cinq kilomètres du village, avaient fait appel à lui pour guider les touristes. À sa souvenance, c’était en collaboration avec la municipalité.

Certains se souviendront avoir vu passer cette petite tête blonde au volant d’un gros tracteur. Fred Pellerin a commencé à sillonner les rues de son patelin, quelques touristes à son bord. C’était une wagon démanchée qui était faite avec un dessous de pickup Ford et des bancs d’autobus vissés dessus, décrit Fred.

Micro dans une main, l’autre sur le bras de vitesse, et du verbe en masse. Au fil des jours, à bord de ce tracteur, il s’est emballé un peu. Un citoyen sur la rue?

Embarque!

Je conduisais, j’animais, je servais le jus, j’étais transport en commun, je faisais tout. C’était des belles années. Du gros délire. Le gros avantage que j’ai eu, c’est que les gens étaient pris là. Tant que j’arrêtais pas, le public ne pouvait pas s’en aller, note Fred dans un rire étouffé. C’était très heureux et très broche à foin.

C’est à travers ces parcours qu’il a commencé à expliquer qui habitait où, au présent comme au passé. Quand je passais devant la maison de Méo par exemple, moi, je le savais que Méo avait démanché la tête à Eugène parce qu’il avait décidé de lui couper les cheveux un soir de brosse! Tu comprends?, raconte Fred. Méo a gagné bien des contes de Fred Pellerin par la suite, mais le Méo d’origine, il était là depuis le début. Depuis ma deuxième année de cégep, donne-t-il en exemple.

On en était aux prémices de ce qu’allait devenir le conteur de Saint-Élie. Car au fil des semaines, le public captif a grandi et s’est fait content. Tant et si bien qu’un jour, une dame de la bibliothèque de Saint-Paul de Joliette a invité le jeune homme à aller raconter ses histoires de Saint-Élie dans sa bibliothèque. Fred n’a pas compris sur le coup.

T’sais, c’est comme si t’appelles le gars qui chauffe la calèche à Québec et que tu l’invites à faire sa visite guidée, mais chez vous…, illustre-t-il. Or, elle a insisté. Il y est allé. Il a raconté les rues de Saint-Élie à Saint-Paul de Joliette. Et les gens ont aimé.

Le conteur en devenir a plus ou moins compris ce qui se passait là, jusqu’à ce qu’il commence à travailler dans une nouvelle salle de spectacle de son Caxton : La Pierre Angulaire. Là où, pendant une dizaine d’années, on a reçu des artistes de tout acabit.

Fred Pellerin y déchirait les billets à l’entrée, présentait les artistes invités, puis écoutait. Sur scène, des gens faisaient un peu ce qu’il faisait à bord de son tracteur… Ce jour-là, il a compris qu’on pouvait en faire un véritable métier.

Fred Pellerin chante, entouré de musiciens.
La Pierre angulaire de Saint-Élie-de-Caxton, lieu de diffusion culturelle unique en son genre, qui a eu son influence dans les débuts artistiques de Fred. On le voit ici au micro. Photo : Avec l'autorisation de Fred Pellerin

Je me suis mis à faire des contes, un peu comme un gars qui aime faire de l’ébénisterie et qui se fait un petit atelier dans son garage… Et il s’est emballé, comme Fred Pellerin sait s’emballer.

Il a découvert des archives de contes, des recueils. Un jour, un homme de Mont-Carmel lui a cédé une quarantaine de bobines de film, histoire de garnir son jeune répertoire.

Fred a reconnu tout de suite ce qu’il y avait sur ces bobines. C’est là que je me suis rendu compte de tous les Eugène, de tous les Jacques et de tous les “mon père” qu’il y avait un peu partout… Cette communauté qu’il avait aimée, qu’il avait côtoyée chez Eugène, qu’il avait découverte de la bouche de sa grand-mère paternelle, Bernadette.

Lorsque Fred a été en âge de quitter le nid familial pour bâtir le sien, il a acheté la maison d’enfance de Bernadette. Au milieu du village. Plein cœur du Saint-Élie qu’elle lui avait raconté. Et raconté. Sous toutes ses coutures.

La mémoire de Bernadette Photo : Radio-Canada / Avec l'autorisation de Fred Pellerin

La mémoire de Bernadette
La mémoire de Bernadette

Sur le chemin de ses contes, dans certains détours bien sentis, on a effectivement rendez-vous avec cette Bernadette Pellerin, née Philibert. Quand Fred en parle sur scène, on sent l’importance qu’elle a eue. Lorsqu’il la décrit au-delà de ses contes, on sent l’affection, voire l’admiration.

Treize enfants, moins les trois qu’elle a perdus, raconte Fred. Rapidement devenue veuve à la tête d’une famille de dix enfants. Une femme d’envergure, capable, décrit-il.

Sa maison était située pas trop loin de l’école primaire. Petit, Fred s’y rendait pour dîner. Laissait son vélo sur sa galerie. Et s’y est attaché comme ça. Fort. La fréquence et la proximité probablement, analyse-t-il. Or, ils étaient quelques autres à s’intéresser à Bernadette. Notamment les gens du comité du 125e anniversaire de Saint-Élie-de-Caxton.

On était en 1990. Saint-Élie avait 125 ans, Fred en avait 14, et Bernadette avait l’âge d’une tonne de souvenirs à raconter.

On la consultait allègrement. C’est à cette époque que je me suis rendu compte de toute la mémoire qu’il y avait dans cette femme-là. Et on dirait que ça a “fitté” sur un moment de ma vie où j’avais envie de cette mémoire-là. Où je découvrais peut-être un filon de quelque chose qui m’allumait, sans savoir ce que c’était.

Dans son grenier, Bernadette avait tout conservé de sa famille et, par ricochet, de Saint-Élie. J’apprenais là des histoires, mais aussi toute une constellation du village, dit-il. J’apprenais les personnages qu’elle avait côtoyés. Qui avait marié qui. Quand. Avant quoi. Que du vrai, insiste Fred. Moi, j’en mets, j’arrange… Pas elle. Ma grand-mère, elle, racontait les affaires qui étaient arrivées. Pour vrai.

Bernadette avait le souci de conserver et de transmettre. Jusqu’à enregistrer sur cassettes les réveillons en famille, et ce, pendant des années. Il y a des bijoux là-dessus, rapporte Fred. Ça chantait beaucoup. La partie musicale me vient sûrement de là.

Fred Fortin, enfant, joue de la guitare.
La famille Pellerin a toujours baigné dans la musique. Ci-dessus, Fred en témoigne. Photo : Avec l'autorisation de Fred Pellerin

À la mort de Bernadette, sa tante Clémence a repris la maison et a conservé le grenier intact. Ce n’est qu’à la mort de Clémence que Fred est allé y mettre son nez. Un repaire gorgé de mémoire. Une magnifique courtepointe des souvenirs de Saint-Élie-de-Caxton.

Fred Pellerin regarde des albums de photos.
La mémoire du village se trouve dans les photos de Bernadette. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Encore aujourd’hui, quand il replonge dans l’une des boîtes qu’il a rapportées de ce grenier, il ne relève plus la tête. Regarde, c’est mon père. Regarde celle-là, ma grand-mère devant la table du réveillon. Elle passait son automne à préparer ça…

Il n’y a plus d’heure lorsqu’il remonte le temps. Elle expliquait tout, ma grand-mère. Chaque photo avait son histoire…

Le bureau de tous les contes Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Le bureau des contes
Le bureau des contes

Toussaint Brodeur, Méo, Ésimésac Gélinas, le forgeron Riopelle et sa belle Lurette, ils sont tous plus ou moins issus de ce grenier. Graduellement, ils se sont installés confortablement dans la mémoire du conteur, destinés à être réinventés. Tour à tour, ils ont trouvé leur place dans les écrits signés Fred Pellerin et ont repris vie sur les scènes les plus diverses.

Souvent, lorsque le créateur fait appel à eux pour peupler ses contes, il se trouve quelque part dans une chambre d’hôtel en tournée, à composer, peu importe le continent. Et lorsqu’il est chez lui à Saint-Élie, c’est dans l’une de ses maisons d’amis qu’il se réfugie pour écrire. C’est à cet endroit qu’on retrouve le bureau du conteur.

Fred n’était pas trop certain que ce soit le lieu idéal pour les caméras, ce jour-là.

Par courriel, nous avions précisé la demande :
On veut t’avoir dans ta pièce à toi, Fred. Celle où tu écris.
Tu veux dire mon bureau-bordelo-biblio, avait-il répondu.

Des livres empilés près d'une bibliothèque.
Le bureau-bordelo-biblio où travaille Fred Pellerin. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

La pièce est petite. Tout un mur est occupé par une bibliothèque, un autre disparaît derrière des étages de CD, le tout encadrant un grand bureau de bois massif sur lequel trône un iMac. Il s'en est passé des choses, dans cet ordinateur.

Fred Pellerin devant son écran d'ordinateur.
Fred Pellerin travaille devant son ordinateur. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Son amour des mots remonte à loin. À l’école, puisqu’il apprenait rapidement, il se faisait transférer dans des classes enrichies où il a appris le latin. Langue pratique pour démancher des mots.

Son goût plus marqué pour la lecture est pour sa part survenu au cégep, pendant que le jeune homme errait en sciences humaines. Là, j’ai pogné une rage de lecture… Je cruisais les madames de la bibliothèque pour sortir plus de livres que les quatre auxquels on avait droit. Dans une fin de semaine de quatre jours, j’en avais pas assez.

Il a bu les mots des Godin, Leclerc, Vigneault et Fréchette, sinon les contes de Jos Violon. Je découvrais la québécitude, le fait de nommer nos lieux. Ça m’a rentré dedans…, raconte Fred, qui en voulait davantage.

Fred Pellerin est assis sur un fauteuil et il lit.
Depuis que Fred Pellerin est tout jeune, on le retrouve avec un livre à la main. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

En littérature à l’université, ses cours de création littéraire, d’étymologie, de linguistique et de psychocritique ont nourri l’artiste en même temps que l’orateur prenait naissance à bord de son tracteur de guide touristique. En même temps qu’il absorbait, soir après soir, les spectacles de La Pierre Angulaire.

Tout cela sur deux ou trois ans. Rien de prémédité au départ, mais un conteur prenait drôlement forme. Trop pour qu’il poursuive ses études au-delà du baccalauréat. Car depuis la bibliothèque de Saint-Paul de Joliette, une autre bibliothèque avait lancé une invitation, et une troisième. Les demandes se succédaient. Parmi celles-ci, un voulait l’avoir au brunch de fête d’un ami, l’autre, le recevoir dans sa cabane à sucre. On désirait que les amis et familles l’entendent aussi.

À tous ces endroits, il a toutefois rencontré des publics souvent dissipés devant lesquels il a appris tous les trucs pour aller capter l’attention. Quitte à prendre l’accordéon, la guitare ou l’harmonica au besoin, quand le conte ne suffisait plus.

Parfois, au hasard de ses auditoires, un organisateur de festival du conte le découvrait et le présentait à de nouveaux publics. Puis un autre, d’un festival du conte situé au Limousin celui-là, qui lui fera traverser l’océan.

À la fin du baccalauréat, ses prestations se multipliaient. Je pouvais faire une quarantaine d’écoles secondaires par année, et d’autres présentations dans les maisons de la culture à Montréal… J’avais commencé aussi à faire des allers-retours en Europe. La décision s’est imposée par elle-même. La maîtrise universitaire attendrait. Elle attend encore. Fred s’amuse à dire qu’il a pris une année sabbatique qui dure depuis vingt-deux ans.

Du dur labeur des publics dissipés jusqu’aux grandes salles silencieuses peuplées de spectateurs qui ont acheté leur billet des mois, parfois une année d’avance, il a défriché un vaste terrain de jeu avec, toujours, de nouvelles zones de contes.

De l’humour strict, il est passé à quelques moments de tendresse, à certains élans d’émotions bien senties, ou à de grandes envolées. Et j’en découvre encore, des zones où je peux aller...

Devant son ordinateur, Fred Pellerin se souvient qu’à l’écriture de son deuxième spectacle, Il faut prendre le taureau par les contes, le vrai Babine vivait encore. Il souligne qu’il n’aurait pas pu raconter Babine si ce dernier avait été vivant.

Tous ses personnages sont aujourd’hui décédés. La plupart d’entre eux sont partis bien avant sa naissance, sans se douter que, sur scène, leur mémoire demeurerait bien vivante par la voix d’un conteur en pleine effervescence qui n’a vite plus été en mesure de répondre à la demande.

Trop de publics pour qu’il arrive à gérer son agenda. Trop affairé pour rester seul dans l’aventure. Un petit appel à l’aide sera lancé.

Celle qui lui répondra s’appelle Micheline Sarrazin. Il l’appelle Mitch.

Une collaboration signée Micheline Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Une collaboration signée Micheline
Une collaboration signée Micheline

Dans sa petite boîte de gérance, Micheline Sarrazin s’occupait de la carrière de quelques chanteurs de jazz, d’artistes de théâtre, plusieurs créateurs qui aimaient jongler avec la parole, mais des conteurs? Jamais.

Elle est demeurée dubitative lorsqu’une amie du milieu du spectacle lui a référé un jeune conteur de 25 ans qui se cherchait une gérante, histoire de mettre un peu d’ordre dans un agenda échevelé. Micheline Sarrazin n’a eu qu’à acquiescer pour que le téléphone sonne quinze minutes plus tard. Fred.

La première rencontre s’est passée dans un petit café, un jour de 2002 qui a été déterminant, comme en font foi aujourd’hui tous les disques d’or, photos et affiches qui ornent les murs de son agence. Près de dix-huit années de travail ont passé, depuis.

La taille de la boîte me sécurisait. Je ne voulais pas être dépossédé de mes affaires…, raconte Fred. Micheline, de son côté, a constaté le talent et a aimé la richesse de l’être humain qui placotait de l’autre côté de la table. Comme tout le monde, ajoute-t-elle sur le ton de l’évidence.

Depuis qu’elle travaille à ses côtés qu’elle en voit, de ces gens qui font le même constat. C’est un être sensible, très doux, très tendre, aimant, chaleureux. Il est beaucoup avec l’autre, observe-t-elle. Moi, je le vis au quotidien, mais chaque personne, même à travers une rencontre très rapide avec Fred, ressent cette chose-là. C’est ce qu’il dégage. C’est quelqu’un qui sait bien vivre le moment présent et la rencontre avec l’autre.

Elle a aimé sa profondeur, mais n’aurait pu prédire qu’elle le verrait évoluer ainsi, jusqu’à ses 43 ans. Les choses se sont faites tranquillement. Confortablement. Un contrat après l’autre. Une expérience après l’autre aussi, car toutes ces années, en coulisses de la sphère professionnelle, ils ont aussi vécu quelques aléas de la vie, qu’il s’agisse d’un deuil difficile à traverser ou d’une maladie à combattre. Ces moments où il fait doux vivre dans la confiance.

Micheline Sarrazin regarde l'écran d'un ordinateur avec une employée.
Dans la maison de gérance de Micheline Sarrazin, l'ambiance est à la simplicité. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Avec ses airs de petit appartement, la maison de gérance de Micheline Sarrazin est dans l’esprit de simplicité qu’ils aiment partager. Les rencontres à la cuisine, les réunions dehors sur le patio arrière. Les repas pizzas suivis d’une courte présentation, le temps que Fred soumette un nouveau début de spectacle à l’équipe.

Sur le site web de la gérante, le conteur a laissé une petite note. Une écurie? Une maison de production? Non, un nid.

Depuis près de dix-huit ans, il ne se passe pas une journée sans que Fred et Micheline ne se donnent pas signe de vie. Chaque jour, les fins de semaine aussi, dit-elle. Si ce n’est pas par téléphone, c’est par courriel. On n’abuse jamais de la chose, mais je sais qu’il sera toujours là et il sait que je serai toujours là.

Néanmoins, ils renouvellent leurs vœux chaque année, ne serait-ce que pour le plaisir, note Micheline, car à ce jour, les projets s’étendent déjà jusqu’en 2023. Au fil des ans, Micheline Sarrazin a espacé les contrats avec ses autres artistes et cumulé les titres avec Fred Pellerin pour organiser ses tournées, éditer ses livres, produire ses albums, ses spectacles, ses DVD, ses documentaires, négocier les contrats entourant ses films...

Dans toutes les sphères artistiques, dans la foulée de ses succès, le conteur a su conserver ses repères, qu’ils se nomment Marianne, Micheline ou Mémère.

Et pour le reste, pour ces jours de relâche, il retrouve la terre de Saint-Élie dans sa plus pure expression. La vraie terre, les deux pieds dedans jusqu’à s’en salir les vêtements, la sienne.

Sucres, contes et poésie Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Sucres, contes et poésie
Sucres, contes et poésie

Fred Pellerin est aujourd’hui fier propriétaire d’une érablière. Cet amour de la terre, cette passion pour les sucres, ce solide ancrage, il les partage avec un autre poète-conteur, un autre ami, Gilles Vigneault. Celui-là même qui écrivait :

« En forêt,
Le silence,
C’est du
Savoir-vivre!
Ce qui laisse
Enfin, la
parole
aux arbres. »

Le conteur de Saint-Élie a acheté six lots au cœur de son patelin pour s’en faire un. Soixante hectares de bois et un lac, un brin d’immensité, une aire de grands silences.

Un jour, il y construira son chalet. Quelques mètres au-dessus du niveau de son lac pour mieux le voir miroiter. Tout près de sa cabane à sucre, qu’il y a déjà construite de ses mains. Dans son bois, qui embaume l’odeur mélangée du billot fraîchement coupé ou de la bûche qu’il vient de glisser dans le poêle.

Ça lui fait grand bien. C’est un espace à silence, à chaleur, à bois de chauffage. À trucs physiques aussi, dit-il. J’ai très bien vécu dans ma tête pendant les 40 premières années de ma vie à lire des romans et à me passionner pour le conte, mais à 40 ans, j’ai parti une chainsaw, j’ai appris à faire de la pitoune! À la main… Et il a apprécié.

Fred Pellerin est appuyé sur des bûches de bois.
Fred Pellerin sur sa terre, à quelques pas de chez lui, son espace à silence. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Il aime se sentir courbaturé après l’effort. Ça vide l’esprit et ça fait travailler un bout de moi que je n’avais pas fait travailler encore.

Fred a renoué ainsi avec un autre pan de famille. Son grand-père paternel, mort au moment où son père n’avait que 5 ans, possédait un moulin à scie. Je suis en train de boucler la boucle…

Son père, André, avait tenté tant de fois de les emmener à sa cabane à sucre, Nicolas et lui. La mère de Fred se souvient de son mari essayant d’inciter ses fils à apprendre les rudiments.

« Mon mari, c’était un gars de bois et il leur disait :

– Venez avec moi, faut que je vous montre comment ça marche, une scie mécanique!

Mais ils ne voulaient rien savoir. Ils ne comprenaient rien là-dedans… Aujourd’hui, Fred comprend », dit-elle en souriant.

Fred Pellerin scie une branche.
Son père avait bien tenter de lui enseigner plus jeune tous les trucs de la scie mécanique, c'est aujourd'hui qu'il s'y adonne. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Elle en note les effets. Ils oublient tout, quand ils vont là. Je ne sais pas trop ce qui se passe dans leur tête. Ça doit être comme moi avec mes petites fraises… Il n’y a rien qui existe sur la terre, sauf les petites fraises!, lance-t-elle dans un éclat de rire.

Son bois, sa cabane à sucre, le tout forme une douce réminiscence paternelle qui s’est unie à cette expérience vécue plus tard avec le célèbre conteur de Natashquan.

Gilles Vigneault
Gilles Vigneault, homme de paroles et ami de Fred Pellerin. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

L’art et son terroir : de la matière à conteurs

Quand Fred Pellerin parle de Gilles Vigneault, la parole est riche, le respect prend place et la poésie s’anime. L’admiration aussi. Quand Gilles Vigneault parle de Fred Pellerin, un sourire apparaît, le souci de bien décrire les choses s’impose et la profondeur s’entend. L’affection aussi. Fred, c’est un ami, nous dit Vigneault avec cette intonation qui résonne comme un début de chanson, cette voix si familière à tout Québécois.

Le studio où l’artiste nous reçoit est au cœur de Saint-Placide. À l’image de Saint-Élie, le lieu abrite sa vie de village, comme on le constate en effectuant un petit arrêt au restaurant du coin. Dans cet espace qui sent la friture et qui goûte bon le gâteau aux carottes, une conversation peut se propager de table en table pour gagner tout l’endroit en peu de temps. Le genre de commerce où les citoyens pourraient devenir rapidement personnages dans les yeux d’un conteur. Au même titre que Méo à Saint-Élie ou que Midas à Natashquan.

Dans le studio de M. Vigneault se trouvent des instruments de musique et une longue table avec à son bout une machine à écrire qu’il utilise quand il ne prend pas la plume.

Une main tient un crayon.
Gilles Vigneault écrit souvent ses textes avec sa plume. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Le long des pièces se trouvent des étagères de livres de poésie et d’écriture, des Félix là aussi, témoins de la riche carrière de celui qui arrive justement dans le cadre de porte, flanqué d’un large sourire. Droit comme un chêne, fier comme un poète, alerte comme s’il narguait joyeusement ses 91 ans. On a beau avoir rencontré les Cabrel et les Bécaud, l’apparition d’un Gilles Vigneault crée son effet.

Nous sommes dans un studio d’amis. Tout comme Fred a ses maisons d’amis. Avec cette même simplicité. Et comme chez le Pellerin, on n’est qu’à quelques pas d’une terre peuplée d’érables. Ces érables que Gilles Vigneault a entaillés au fil des dernières décennies, et qu’il entaillera encore. Les points en commun se bousculent.

Pas étonnant que leur première rencontre se soit soldée par la naissance d’une amitié. C’était pour l’émission L’autre midi à la table d’à côté, sur les ondes de Radio-Canada. Au-delà des mots, Vigneault a rapidement noté quelques points qui lui ont plu chez Fred Pellerin. Une franchise, note-t-il, et surtout, un égard.

Tout d’abord, j’ai trouvé qu’il avait du respect pour les gens de son coin, qu’il respectait les premières personnes qu’il a connues dans la vie. Ses parents, sa fratrie, les gens qui habitent Saint-Élie, raconte M. Vigneault. Tous ces gens qui nous forment, renchérit-il, qui nous enseignent la première culture, les premières règles de la connaissance de l’autre, les premières belles manières. Du précieux, de plus en plus rare.

Il a retrouvé, dans le village raconté par Fred, les effluves d’une inspiration qu’il connaît bien et qui nourrit densément une création. À mon point de vue, c’est pareil, dit-il. Il s’est beaucoup appuyé sur Saint-Élie comme je me suis beaucoup appuyé sur Natashquan.

Gilles Vigneault voit dans leur art une démarche similaire bien plus qu’une influence qu’il aurait eue sur le conteur de Saint-Élie. Une affection commune et singulière pour leur lieu d’origine, un désir de faire honneur à l’empreinte du terroir sur soi. Une puissante empreinte, qui donne de l’essence au talent et qui vous colore une œuvre.

Le premier point que nous avons en commun, je pense, c’est l’envie de raconter des histoires, mais des histoires en rapport avec la réalité. On essaie toujours de raconter une vérité un petit peu plus profonde que la vérité apparente, analyse Vigneault.

Quand on prend l’angle de raconter les gens qu’on a admirés tout jeune, on les raconte avec la sincérité de l’enfant qu’on était. Avec la naïveté aussi, dit-il. Pour moi, raconter ça, c’était me raconter moi-même, et je suis persuadé que c’est la même chose pour lui. On a changé les noms et on a raconté la vérité de nos enfances et de notre vie ordinaire.

Plusieurs intérêts communs dont, toujours, ce plaisir de rencontrer l’autre. La foi, ça commence par la foi qu’on a dans l’autre, dit M. Vigneault. J’ai foi en lui. Le canal de la communication s’est ouvert avec Fred et ne s’est jamais refermé, pour plusieurs raisons. Une communion de pensée, une communion de valeurs aussi.

Lorsqu’ils ont enregistré ensemble le documentaire Le goût d’un pays, Fred Pellerin et Gilles Vigneault se sont vus sur une plus longue période. Un moment qui a gravé son sillon dans le cœur du conteur de Saint-Élie. On vivait de quoi d’assez intense, rapporte Fred de son côté. Passer deux semaines à côtoyer Gilles du matin au soir, t’es pas dans la demi-mesure.

Fred Pellerin devant sa cabane à sucre.
Fred Pellerin espère recevoir Gilles Vigneault dans sa cabane à sucre. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Quand il parle de Vigneault et de la cabane à sucre, les images valsent entre le passé et le présent. Pour moi, c’est le rapport au père, à la mémoire, au sens, au territoire, le rapport au pays, à la production de quelque chose d’artisanal qui se goûte et qui s’offre. Il y a beaucoup d’étages de symboles pour moi dans la chose du sucre d’érable, dit Fred.

À la fin du tournage avec Gilles Vigneault, il savait que les sucres et les érables allaient parfumer ses futurs printemps, comme son père y avait goûté avant lui. J’ai enclenché le processus de construction de la cabane à sucre à ce moment-là. Le résultat est beau.

Aujourd’hui, il a hâte de recevoir Vigneault sur sa terre, dans sa cabane, dans son Saint-Élie. Le rendez-vous est clair pour les deux, il se fera un jour. Au temps des sucres, peut-être.

Dans les deux patelins, en deux temps distincts, devant nous un conteur sourit à cette perspective.

À l’issue de notre entrevue, M. Vigneault fait fi de nos mercis. Plaisir, dit-il, d’autant plus que la motivation était bien campée dans le cœur de l’ami, et même un peu plus. Fred, c’est comme un frère. Et quand tu peux être là pour un frère, ben t’es là.

Amitié, quand tu nous tiens Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Amitié, quand tu nous tiens
Amitié, quand tu nous tiens

Dans un coin de la maison de Fred Pellerin, sa fille cadette, 11 ans, prépare un déguisement pour une soirée avec sa cousine et amie.

Dans un autre coin, son plus jeune concocte un plan en compagnie du fils de Jeannot Bournival, ami d’enfance de Fred. Les deux garçons sont dans leur bulle. Ils font des projets, indique le père. Ils sont pareils comme nous…

Il se revoit très bien avec Jeannot, son complice depuis l’école primaire. Celui qui, au fil du temps, est devenu le réalisateur de tous ses albums.

À différents stades de la carrière de Fred, les deux se sont retrouvés à élaborer des projets dans le lieu de création de Jeannot, à quelques maisons de chez Fred, le Studio Pantouf. Le lieu porte bien son nom. Confortable, chaleureux, empreint d’une ambiance feutrée, c’est dans ce studio qu’on retrouve l’ami.

Jeannot sourit quand on lui demande ce qui les a réunis au départ. Comme pour leurs fils aujourd’hui, tout part d’une pure candeur. Dans l’enfance, c’est le plaisir immédiat. Est-ce qu’on a le goût de jouer ensemble ou pas? Nous, on avait le goût de jouer ensemble. Et on faisait toujours plein de projets.

Lui aussi regarde leurs fils avec un large sourire. C’est fou comment ils sont comme nous il y a trente-cinq ans... Ils sont dans la même affaire. C’est clairement le plaisir d’être ensemble.

Bien avant de créer des albums, Fred et Jeannot ont eu, ainsi, une panoplie de projets d’enfance, de la création d’une débroussailleuse jusqu’à l’invention d’une loterie qui devait jadis leur rapporter gros, confie Jeannot.

Qui entraînait qui? Hum… Je pense qu’on se relançait. Rapidement, le feu prenait. Mais une fois que l’idée était sortie, on a toujours eu des postes assez évidents, dit Jeannot. Fred est un gars qui va clairement de l’avant et j’ai toujours eu beaucoup de plaisir à l’appuyer.

Jeannot Bournival
À la réalisation comme en amitié, la complicité se tisse naturellement entre Jeannot Bournival et Fred Pellerin. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Leur amitié ne s’est jamais interrompue, malgré des chemins qui ont bifurqué par épisodes pour leur permettre de vaquer à leurs occupations respectives. Une trajectoire amicale ponctuée de moments clés, de ce plaisir candide de l’enfance jusqu’aux unions professionnelles en passant par des moments de réflexion. Adolescents, on passait des veillées à refaire le monde, souligne Jeannot.

Encore récemment, au hasard d’une rencontre dans le bois, ils ont trouvé le temps de se replonger dans les réflexions portant sur l’essence de la vie. Fred songeait alors aux mots d’un ami qui soulignait l’importance de savoir quel était son rêve dans la vie et de travailler chaque jour pour le réaliser. De son côté, Jeannot cogitait sur l’importance de ne pas avoir de regrets. J’avais croisé une amie qui accompagnait les gens en fin de vie et elle m’avait nommé les trois regrets qui revenaient le plus, dit-il.

Jeannot les avait rapportés à Fred : primo, ne pas avoir assez dit à ses proches qu’on les aime; secundo, s’en être fait beaucoup trop avec les petites choses de la vie et, enfin, de ne pas avoir fait suffisamment les choses qu’on aime.

Chacun avait pris bonne note des réflexions de l’autre avant de reprendre le fil de sa vie. Il en a toujours été ainsi. À la phase collégiale, Fred est parti dans sa littérature et moi, dans ma musique, note-t-il. Notre relation a toujours bougé et je sens qu’elle va bouger tout le temps.

Qu’ils évoluent dans des sphères séparées ou pas, le lien est solidement ancré. Quand je pense à Fred, j’ai un certain sentiment de paix, raconte Jeannot. Même si par épisodes, leurs chemins s’éloignent, les deux se retrouveront et reprendront le fil de leurs discussions d’antan, ajoute-t-il. Sauf qu’aujourd’hui, on ne parle plus de notre enfance, mais de nos enfants. Parce qu’en fin de compte, le grand projet, c’est pas un album, ni un show. Le grand projet, c’est la vie.

Quand Jeannot Bournival regarde le parcours de Fred, il note deux grandes caractéristiques qui ont toujours guidé la vie de son ami. La générosité et la fidélité, en amitié comme pour son village, comme pour la région.

Il ne compte plus les fois où Fred a mis les uns et les autres en contact, où il a interpellé l’un et l’autre pour partager un contrat, une expérience. C’est quelqu’un qui prend soin des gens. C’est toujours de faire participer le plus de monde possible, souligne-t-il. Dans la région, il en a brassé, de la soupe, Fred… Et tout ça, c’est bien au-delà du chauvinisme ou d’un aspect territorial. Tout ça, ça se passe au niveau du lien et de l’amitié.

Paroles, paroles, paroles

Dans la gamme du partage et sur l’avenue des belles rencontres se trouve aussi un parolier.

C’est David Portelance qui a écrit la chanson Tenir debout, l’une de celles qui ont fait connaître Fred-le-chanteur sur son premier album solo, Silence.

David Portelance
David Portelance a écrit des chansons pour Fred Pellerin. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Les deux hommes se sont rencontrés au Festival de la chanson de Granby. Demi-finales 2002. Portelance en compétition sur scène, Pellerin à l’animation des cinq soirées.

Pour colorer ses interventions, Fred avait choisi de présenter les concurrents par le biais de leurs grands-parents, raconte l’auteur-compositeur-interprète Portelance, qui avait trouvé l’idée bien belle.

David Portelance et Fred Pellerin avaient cet intérêt commun face à leurs grands-parents respectifs. D’où peut-être ce goût pour eux aujourd’hui de remonter le temps. Les deux avaient cinq minutes pour préparer cette petite présentation, mais la jasette s’est étirée… Je ne me souviens pas de tout, mais je me souviens de la symbiose, de comment on avait ri et de comment on avait connecté.

À l’issue des cinq soirées de l’événement, les deux hommes et leurs conjointes se sont retrouvés à partir en même temps. Voitures côte à côte dans le stationnement, le tout s’est étiré. Lui avait une boîte de CD de contes dans son char, moi mes démos de musique. Lui avait une caisse de bières, moi j’avais ma guitare. On s’est remis à jaser et à vider sa caisse dans le parking, assis dans le coffre de son char, raconte Portelance. Ce sont probablement ces deux moments-là qui ont scellé notre amitié, parce qu’on ne s’est pas revus pendant des années.

Une seule autre rencontre par hasard, au Monument-National, le temps de renouer, le temps à Fred de demander à David s’il voudrait bien écrire pour lui le jour où il réaliserait son souhait de créer un album, puis ils ne s’en sont pas reparlé.

Mais lorsque Fred Pellerin et Jeannot Bournival se sont attelés au projet de disque, le chanteur a fait appel aux mots de Portelance, qui, à ce moment, avait délaissé la carrière artistique pour se consacrer à un baccalauréat en enseignement du français au secondaire.

Fred Pellerin joue de la guitare.
Fred Pellerin interprète avec plaisir les chansons écrites par David Portelance. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Les chansons Tenir debout et Au commencement du monde se sont imposées. Pour les albums suivants, d’autres ont suivi. Les mots de David Portelance ont pris leur envol dans la voix de Fred. Les deux en sont mutuellement reconnaissants. Il est très généreux. Il ne manque pas une occasion de souligner notre collaboration au travail et de m’encenser. Il me met à côté des grands noms, c’en est un peu gênant des fois. Si je refais de la chanson aujourd’hui, c’est beaucoup grâce à Fred.

Et selon David, au-delà des chansons se trouvent des sensibilités communes. Sensibilité aux mots, à la langue, à l’identité culturelle, à l’identité humaine et québécoise, une sensibilité à l’universel, défile-t-il. Cette même mélancolie par rapport à d’où on vient aussi, peut-être. De ce que nos grands-parents nous ont raconté. On vibre à ce diapason.

Le grand bond Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Le grand bond
Le grand bond

Selon sa mère, le grand bond de la carrière de Fred Pellerin s’est produit en 2001, l’année où il a remporté une médaille de bronze aux Jeux de la Francophonie avec son premier spectacle, Dans mon village, il y a belle Lurette. C’était à Ottawa.

Un peu avant – j’étais alors journaliste au quotidien régional Le Nouvelliste de Trois-Rivières –, dans le brouhaha de la salle de rédaction, la jeune voix de Fred avait résonné au bout du fil. Il voulait me dire qu’il allait y participer. Qu’il était content.

Je l’avais vu ici et là, sur quelques scènes de la région. Dont une fois lors d’un gala de remise de prix culturels. Le lendemain, dans le journal, je lui avais décerné la palme des remerciements les plus sympathiques de la soirée. J’avais écrit « Frédéric Pellerin », d’ailleurs, croyant alors que « Fred » était un diminutif trop familier pour se retrouver dans le quotidien.

À l’été de 2001, intriguée, j’étais allée plus loin dans l’exploration dudit Frédéric Pellerin en lui donnant rendez-vous pour une entrevue en bonne et due forme, ce coup-ci. Je l’avais retrouvé dans la salle à manger du domaine Baluchon à Saint-Paulin, où il animait les lieux et se produisait en compagnie de Denis Massé (Les Tireux d’roches, Henri Godon), dans la chapelle du site. J’ai posé mes questions. Il s’est lancé. On a jasé. Beaucoup. Il a raconté. Beaucoup.

Iris bleus centrés dans le verre clair de ses lunettes rondes. Du « drette dans les yeux », comme il le dit. Et du sourire en coin, en voulez-vous. J’avais beau avoir déjà eu le plaisir et l’honneur de rencontrer les Yvon Deschamps et Raymond Devos de ce monde, je ne me souviens pas avoir tant ri au cours d’une entrevue.

Un long article allait suivre. Pleine page. Premier d’une multitude, histoire de faire écho aux contes, aux livres, aux spectacles, aux films, aux activités du village, aux galas de l’ADISQ, aux tournages de Saint-Élie-de-Légendes, à ses spectacles avec l’OSM, à ses tournées européennes.

À son œuvre poétique, colorée et chargée, héritage de Bernadette, André, Mémère et toute la bastringue. Une œuvre puisée dans les gènes du village de Saint-Élie. L’empreinte forte d’un petit village niché dans un recoin de la Mauricie qui a vu naître bien des fables. Et un fabuleux conteur.

Le petit-fils adopté d’Eugène Garand, son ancêtre du côté de l’oralité qui l’avait comblé d’histoires de chevaux, de lutins et d’hommes forts dans la maison d’à côté. Dans cette maison qui sentait bon les crêpes et la soupe au riz et où on a aussi nourri le blondinet à lunettes d’une belle part de son art.

C’est aussi dans cette maison que, devenu plus grand, Fred avait réclamé souvent les classiques du conte. Il voulait que ce soit Eugène qui lui raconte l’histoire du canot volant. Mais tous ces contes, ceux de La chasse-galerie et autres classiques, Eugène ne les aimait pas.

Il disait que le canot volant, ce n’était qu’un avion que les gens avaient vu, des gens qui ne savaient pas que les avions avaient été inventés. Il en était comme gêné, honteux, de ces histoires, rapporte Fred.

Or, plusieurs années plus tard, un jour qu’il était en spectacle à Trois-Rivières, à la salle J.-Antonio-Thompson, Fred avait demandé à Eugène d’assister à la représentation.

Viens donc me voir… Je raconte tes histoires, Eugène.

Eugène ne voulait pas. Vessie trop hyperactive pour une longue soirée dans une salle de spectacle. Mais Fred avait insisté. Il allait réserver une chaise pour lui, le plus près des toilettes. Pour qu’il se sente à l’aise. Et quand Fred Pellerin cherche à convaincre…

Ce soir-là, Eugène Garand s’est installé sur cette chaise d’en arrière, tout près des marches d’escalier qui mènent aux toilettes.

Fred a raconté, Eugène a écouté. Il a écouté Fred, mais aussi tous ces gens qui riaient aux paroles du petit voisin de sa maisonnée, tous ces gens qui se trouvaient émus devant ses frasques. Ces gens qui se sont levés d’un bloc à l’issue du spectacle pour applaudir. Une ovation debout.

Il a entendu ce soir-là des histoires de son village, des personnages qu’il a connus. Il y a reconnu des histoires qu’il avait racontées. Et plus encore. Ces histoires pleines de poussière qui étaient maintenant un objet porteur de poésie, de fierté, de rires, de larmes, de symboliques, dit le conteur. Par la bande, c’est comme une claque qu’il recevait pour ses histoires à lui…

Au souvenir de Fred, c’est son frère Nicolas qui a ramené Eugène chez lui en fin de soirée. Fred n’a revu Eugène que le lendemain. Soucieux, il a voulu savoir comment il s’était senti, si c’était correct, s’il avait été bien installé et s’il avait eu une chaise confortable.

Pis, Eugène?

Fred a révélé cette anecdote devant des étudiants de l’Université Laval à Québec dernièrement. Il la raconte rarement. Parce que lorsque vient le temps de rapporter la réponse d’Eugène, un nœud se forme dans sa gorge, ses yeux s’embuent et sa voix se brise.

T’sais, Fred, le canot volant… Ben je l’ai vu passer.

Quelques anecdotes en coulisses Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Quelques anecdotes en coulisses
Quelques anecdotes en coulisses

La traverse de lutins de Saint-Élie-de-Caxton : les origines

Il n’y a qu’un seul endroit au monde où une municipalité compte, parmi ses panneaux de signalisation, une affiche officielle du ministère des Transports avertissant les piétons et automobilistes qu’ils s’apprêtent à franchir une traverse de lutins. Fred Pellerin raconte ici les origines de cette traverse, une anecdote qui débute par un pur acte de vandalisme de sa part.

Le panneaux de signalisation indiquant la traverse de lutins est une affiche officielle du ministère des Transports. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Il était une fois un arbre à paparmanes

Le petit village de Saint-Élie-de-Caxton a vu un jour apparaître un arbre à paparmanes roses en plein cœur de son paysage. Or, il a son histoire, ce petit arbre exclusif aux Caxtoniens. Il a été créé à une date bien précise et dans un contexte plutôt particulier. Laissons Fred Pellerin nous raconter. Avis aux auditeurs : le conteur avait faim ce matin-là, d’où une ou deux petites interruptions à son récit que nous avons conservées en guise de bloopers.

L'arbre à paparmanes fait partie de la légende à Saint-Élie-de-Caxton. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Quelques notes avant de se laisser

Petit moment agréable entre deux entrevues, Fred Pellerin s’installe à son piano pour une prestation spontanée et inspirée.

Fred Pellerin n'hésite pas à se mettre au piano pour chanter. Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Quand vous mourrez de nos amours, paroles et musique de Gilles Vigneault
© Les Éditions Le Vent Qui Vire

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À propos d'EmpreintesÀ propos d'Empreintes

Empreintes est une plateforme de récits numériques où se côtoient la beauté du territoire et la diversité des gens qui l’habitent. Découvrez les portraits de ceux et celles qui définissent la poésie d’un endroit, qui le portent et le font vivre. Les empreintes que l’on voit et celles laissées dans le cœur des gens.