•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Vous naviguez sur le site Radio-Canada

Début du contenu principal

Soulever le poids du passé

Soulever le poids du passé

Texte : Julien Latraverse Photographies : Geneviève Tardif

Publié le 13 juin 2022

L’odeur de sueur remplit les narines. Le death metal et le choc des poids sur le plancher se répercutent dans les oreilles. Impossible de marcher sans enjamber un haltère ou un ventilateur (manque de fenêtre oblige). Des salles d’entraînement du genre, il en existe des milliers, mais celle-là a de particulier qu’elle est l’île, le havre de paix de Colten Sloan.

Ce défouloir étroit enclavé par quatre murs ternes incarne un spectateur muet, une constante, un ami silencieux toujours présent, même en pleine nuit. Entre le fer et la fonte, le lieu a offert une oreille attentive aux idées noires de Colten, une épaule sur laquelle l’homme a pu faire le deuil de sa femme et de ses proches, une main pour le pousser à donner le meilleur de lui-même.

Déjà, Colten Sloan a écrit l’histoire en devenant le premier homme fort professionnel autochtone du Canada. Mais il refuse de s’arrêter là. Son but : devenir l'homme le plus fort au monde.

Deux mains en train de se taper l'une contre avec nuage de craie de gymnastique.

En chargement
« On le surnomme “Colty Bear” » Photo : Radio-Canada / Geneviève Tardif

On le surnomme « Colty Bear »
On le surnomme « Colty Bear »

Le matériel aux proportions immenses, comme les pierres d’Atlas de centaines de livres qui jonchent le sol, n’est pas le seul à s’approprier l’espace. L'imposante carrure de Colten Sloan peine à passer dans les cadres de porte. Ses cuisses grosses comme ses biceps portent un corps capable de soulever des voitures. Difficile de cerner du gras sous ses 330 livres et ses 190 centimètres.

Lui installer le micro pour une entrevue est laborieux. Il peine à retrouver le fil sur le côté de son dos. Les hommes forts ont parfois des petits problèmes de mobilité, souffle-t-il en balayant en vain l’arrière de son coffre volumineux.

Sa partenaire d’entraînement prend le relais. Pendant qu’elle l’aide à se brancher à l’équipement, elle rejette d’entrée de jeu toute idée préconçue sur la physionomie intimidante de son cousin. On surnomme l’homme fort Colty Bear, car c’est un gros ourson en peluche, insiste Angela Houle en lui donnant une tape amicale sur l’épaule.

Des affiches pour faire la promotion des événements tenus par le géant accueillent à l'entrée du gym Optimal Fitness, à Saint-Paul, une communauté de 5800 âmes à 200 kilomètres au nord-est d’Edmonton. Il faut traverser deux salles de sport avant de trouver le domaine de Colten Sloan, à l'arrière.

Là-bas, une ardoise au mur affiche les meilleurs résultats des athlètes qui partagent l’espace. Le tableau noir divise par colonnes leurs records en épreuves propres aux compétitions d’hommes forts et de femmes fortes; lancer de baril, soulevé de terre, marche du fermier. Sans surprise, Colten Sloan trône au sommet de chacune d’elles, avec des poids de 300, 400 ou 700 livres.

Le jeune père de famille regarde les chiffres avec fierté, sans pour autant les laisser lui monter à la tête. Du chemin reste à faire avant d’y inscrire des tonnes. C’est ce que ceux au sommet font, souligne-t-il avec beaucoup de retenue.

Le lieu exigu, bâti par Colten Sloan, qui a acheté ici et là de l’équipement spécialisé, reflète sans artifice sa nature modeste et déterminée. Je crois que tout ça a coûté entre 4000 et 5000 $. Tout ce qu’on avait au début, c'était une bûche, dit-il en pointant le rondin métallique surdimensionné accoté au mur.

Il s’entraîne ici trois ou quatre fois par semaine dans un spectacle de force et de fer avec sa cousine Angela. Leur lien familial remonte à leurs grand-mères cries de la Première Nation no 128 de Whitefish Lake, située à une quarantaine de minutes en voiture de la salle d’entraînement. Nos kokum sont des sœurs, raconte Angela Houle.

Le parcours de Colten inspire sa cousine. L’Albertain de 28 ans décrochait cet automne la deuxième place de la National Amateur Strongman Competition, lui valant du même coup le titre de premier homme fort autochtone professionnel du Canada.

Maintenant, son viseur est sur les voisins du Sud. Le Texas l'attend à la fin du mois de juin pour l’Official Strongman Games Southwest Regional Championship, une porte d'entrée pour se qualifier aux Jeux mondiaux des hommes forts tenus à l’automne aux États-Unis.

À les voir tous les deux ensemble, on peut se douter du rôle de la génétique dans leurs réussites sportives. Néanmoins, leur caractère compétitif explique davantage le phénomène. Angela veut répéter l’exploit de son cousin pour devenir la première femme forte autochtone professionnelle. Elle ajoute, ricaneuse, que c’est non sans une dose de rivalité.

Nous sommes présents émotionnellement, physiquement et mentalement l’un pour l’autre. Ça en prend beaucoup pour en arriver là. On a des vies occupées avec le travail et nos enfants. On se motive en s’envoyant des messages textes du genre : Hé, vas-tu au gym ce soir? Tu y vas à quelle heure?, mentionne la mère de famille.

Portait de Colten Sloan dans sa cuisine.

En chargement
Pas d’homme fort sans casser des œufs Photo : Radio-Canada / Geneviève Tardif

Pas d’homme fort sans casser des œufs
Pas d’homme fort sans casser des œufs

Un voile de brume enveloppe la municipalité endormie. Des camionnettes défilent lentement dans la rue principale de Saint-Paul, mais il est encore trop tôt pour voir les autobus scolaires transporter les enfants.

Chez lui, Colten Sloan se tire de sa torpeur et entame sa routine matinale, café à la main. Je me fais un petit déjeuner et je prépare mes repas pour la journée. Il s’agit là d’une phrase banale, mais pour un menu qui l’est pas mal moins : Colty Bear suit un régime spartiate et consomme en moyenne 7000 calories par jour en vue de ses compétitions.

Aujourd’hui, c’est quatre œufs et des rôties. C’est un peu plate; j’aime ça quand il y a des saucisses ou du bacon. Plus j’approche des compétitions, plus je mange.

Six repas, excluant le souper, sont au menu : une profusion de riz et une palette entière de bœuf haché à avaler toutes les deux heures, le tout mesuré au gramme précis avec une balance. C’est une des particularités d’homme fort que je trouve le plus difficile. Je dois parfois me forcer à tout manger, fait-il savoir en remuant la viande dans la casserole.

Briser la monotonie de ces plats à la chaîne est un autre défi culinaire pour arriver à ingurgiter 350 grammes de protéines en 24 heures. J’essaie d’être créatif. Je mets toutes sortes de sauces pour varier les goûts.

Toute la demeure de Colten Sloan atteste sa passion pour le sport. Des pots de suppléments et vitamines s’entassent sur les hauts des armoires. Des vêtements d’entraînement très très très très grands s’empilent devant une machine à laver. Une étagère dans son salon est consacrée à ses trophées et médailles. Toutes des deuxièmes places. C’est ma malédiction, révèle le propriétaire des lieux, sourire en coin.

Sur le même meuble, deux photographies de ses plus grands supporteurs le regardent s’affairer à briser ce mauvais sort.

Sur la première photo, on voit son grand-père Bill, qui lui a tout appris des rouages de la profession de charpentier-menuisier, qu’il pratique en dehors des heures de gym. Il était comme un père pour moi, affirme Colten Sloan. Une des choses qu’il disait tout le temps est devenue un de mes mantras : "Continue d’avancer, peu importe les défis".

Colten Sloan porte un barile des deux mains qu'il s’apprête à lancer dans les airs sur le site de la ferme familiale.

Une raison pour survivre

L’autre photo est celle de sa femme, Ashley. Les photos semblent minuscules dans les mains puissantes de l’athlète. Un silence s'installe dans la salle de séjour.

Une anecdote lui revient en tête. C’était aux compétitions nationales l’année dernière. Je venais d’obtenir mon statut de pro, et mon épouse a fait un appel vidéo avec mon grand-père. Je ne savais pas quoi penser, c’était irréel. Il prend une pause sur sa chaise et retrouve ses mots. C’était comme si toutes ces années de sacrifice éreintantes avaient une raison. C’est difficile d’expliquer ce sentiment.

Colten Sloan aborde sans détour les questions posées en entrevue. Pourtant, il faut bien lire entre les lignes pour comprendre tout le contexte de ses réponses.

Quand vient le moment de parler de sa femme, la carapace du jeune homme s’effondre, dans un instant de vulnérabilité. Les larmes lui montent aux yeux, et il demande un moment pour se ressaisir.

J’ai vécu beaucoup de douleur et de pertes dans ma vie. Récemment, mon épouse est décédée.

La main de Colten qui montre une alliance.
Colten Sloan a été avec sa femme pendant « huit belles années ».  Photo : Radio-Canada / Geneviève Tardif

Je suis capable de garder ça à l'intérieur d’habitude, assure-t-il en s’essuyant le visage avec ses mains. Ça fait deux mois; c’est très peu de temps, raconte celui qui a aussi dû faire ses adieux à son grand-père, à peine trois mois plus tôt.

Colten Sloan reprend son récit. J’ai perdu mon épouse aux mains du cancer. Elle était mon système de soutien et a fait de moi l’athlète que je suis aujourd’hui. Je ne serais pas un professionnel si ce n’était d’elle.

C’est vraiment une histoire cocasse, insiste-t-il, revigoré par l’anecdote qu’il s’apprête à raconter. Tu sais, c’est un sport très intimidant. Je lui faisais souvent part de mon envie de me lancer dans le monde des compétitions d’hommes forts, mais j’étais trop effrayé pour le faire. Alors elle m’a poussé à y aller.

La première inscription de Colten Sloan à une compétition s’est faite à son insu. Deux semaines avant l’événement, Ashley lui a révélé le pot aux roses. Elle m’a dit : "Hé! Nous allons aller à cette compétition tous les deux, mais ne t’inquiète pas. Je vais y participer aussi."

Le sport n’intéressait pas particulièrement son épouse avant ce plongeon commun, et Colten Sloan met l’accent sur l’absurdité d’associer sa femme à cette discipline. Elle n’était vraiment pas très grosse. Elle mesurait environ 160 centimètres et pesait 130 livres.

Jamais Colty Bear n’aurait fait ce saut dans l’inconnu seul. Pourtant, il doit sa vie à cet élan de sa femme.

Colten tient dans sa main une carte en mémoire de Ashley Sloan, sa femme avec un portrait d'elle.
Ashley Sloan Hunter est décédée d’un cancer du côlon à l’âge de 33 ans Photo : Radio-Canada / Geneviève Tardif

Elle nous a inscrits à l’événement en février 2018, car l’année précédente, en novembre, j’avais tenté de me suicider. Elle s’est dit qu’elle devait faire quelque chose, que j’avais besoin d’une raison autre qu’elle ou ma famille pour survivre. Et elle l’a trouvée! Je sais, c'est un cliché, et tout le monde dit ce genre de chose tout le temps, mais je peux dire honnêtement qu’être un homme fort m’a sauvé la vie.

La discipline est devenue son exutoire afin de lutter contre sa dépression. Ça me vide la tête. J’ai beaucoup de traumatismes antérieurs et il y a des choses auxquelles je dois faire face. Je prends toutes ces pensées négatives et je les projette sur les poids. Ils absorbent ma colère, ma rage, ma peine et ma souffrance.

Je laisse tout ça derrière moi.

Colten a les bras levé au dessus de la tête dans sa salle de gym.

En chargement
Les 12 travaux de Colten Photo : Radio-Canada / Geneviève Tardif

Les 12 travaux de Colten
Les 12 travaux de Colten

Le parcours de Colten Sloan évoque les douze travaux d’Hercule. Une série d’obstacles, de barrières, de réussites et de sacrifices parsèment son histoire, mais l’homme fort refuse de laisser ce lourd passé l’écraser. Il s’en nourrit, l’utilisant comme motivation à s’élever vers ses buts, vers ce que son entourage appelle sa vocation.

Le deuil est une des masses pesant sur l’esprit de l’homme dans la vingtaine. Il y a eu le départ de ses deux piliers, son grand-père et sa femme, mais aussi toutes les pertes d’êtres chers s’étant donné la mort.

Beaucoup de membres de ma famille nous ont quittés en se suicidant. C’est un énorme problème chez les Autochtones.

Son regard se pose sur une table de construction Lego, celle de son fils, Kaleb. Devenir père lui a beaucoup appris sur lui-même, sur ses origines et sur l’étoffe de son caractère.

Évoquer son âge tendre le ramène à la ferme familiale, à des moments agréables tout comme à des mauvais souvenirs.

J’ai grandi dans une maison très peuplée, avec mes grands-parents, mes tantes, mes oncles, mes frères et sœurs et les ouvriers agricoles, décrit-il. Mes parents m’ont eu quand ils n’étaient que des ados, à 14 et 15 ans. C'étaient des enfants qui élevaient des enfants. Maintenant que je suis père, je comprends qu’il y a de meilleures façons de discipliner un enfant, laisse-t-il tomber, sans s’épancher sur les détails. C’est une des parties de ma vie les plus sombres.

Aîné de la famille, il devait prendre soin du reste de la maisonnée. Son âge se comptait sur les doigts de deux mains, à l’instar de ses responsabilités. Un de mes petits frères a eu le cancer alors qu’il n’était qu’un bébé. Je devais m’en occuper, car mon père travaillait fort pour payer les factures et garder la ferme à flot.

À 2 ans, il a perdu sa bataille. Cela a perturbé ma famille sur plusieurs plans. Je me suis pratiquement élevé seul à partir de l’âge de 12 ans. J’ai quitté le domicile familial quelques années plus tard, à 16 ans.

Même s’il ne rejette pas cette partie de son passé, il reconnaît les troubles qu’elle lui a causés, et veut éviter que son enfant, ou toute autre personne, se laisse submerger par une adversité semblable.

Je veux montrer aux gens qu’il est possible de s’en sortir. J’ai traversé l’enfer et j’en suis revenu. Je suis encore là, et je continue d’atteindre mes objectifs, un à la fois.

Vue aérienne d'une ferme où Colten est en train de faire rouler un pneu. Il y a une bâtisse principale sur la droite et de nombreux tracteurs.

En chargement
De la ferme au fer Photo : Radio-Canada / Geneviève Tardif

De la ferme au fer
De la ferme au fer

La ferme des Sloan est lovée sur une colline avec des pâturages tout autour; un espace vert suffisant pour satisfaire l’appétit des milliers de bêtes dont la famille s’occupe.

La demeure du clan est entourée de camions et de voitures anciennes au capot ouvert. Le géant se laisse bercer par la brise frisquette de la matinée et les souvenirs liés à cet endroit. Bien qu’il revisite souvent les lieux pour prêter un coup de main à l’entreprise familiale, un élan de bonne nostalgie l’encourage à raconter des histoires de jeunesse.

J’écoutais à la télévision des compétitions d’hommes forts ici quand j’étais petit, raconte Colten Sloan. C’est d’ailleurs à cette période qu’il a réalisé l’ampleur de sa force. 

Mon oncle avait engagé une bande d'adolescents afin d’enlever des pierres sur les terres de la ferme. Ils avaient de la difficulté à les soulever alors il m’a demandé de les aider. Je me rappelle qu’il était surpris et qu’il criait : "Un jeune de 11 ans est plus fort que vous!" pour les encourager à travailler.

Cet épisode est toujours d’actualité, selon le père de Colten, venu nous rejoindre sur le stationnement improvisé devant la maison du clan. On l’appelle souvent quand on a besoin de quelqu’un de vraiment fort. Ce qu’on n’arrive pas à faire, Colten y parvient en cinq minutes.

Je dis souvent qu’être un homme fort est un peu comme faire des corvées à la ferme pour le plaisir, réplique à la blague Colten Sloan avant d’accueillir son père avec courtoisie.

Un peu comme son fils, Christopher Sloan est un homme de peu de mots. Quand vient le temps de parler des réussites de son enfant, il peine à camoufler sa fierté. Je suis très fier de le voir exceller. Il a eu des épreuves difficiles dans sa vie récemment et je crois que les compétitions d’hommes forts et ses entraînements l’ont aidé à passer à travers tout ce qu’il a vécu.

Les sonneries incessantes de son téléphone cellulaire trahissent le rôle du personnage taciturne sur les lieux, mais malgré son horaire chargé, le patriarche répond patiemment aux questions.

Vous savez, je ne peux pas parler pour la communauté, nuance-t-il néanmoins. Mais je sais que je reçois beaucoup de messages textes, de coups de téléphone pour me dire qu’ils l’ont vu faire ci ou ça sur les réseaux sociaux. Les gens semblent très fiers de lui et du fait qu’il vient d’ici. C’est certain.

Ces liens forts entre la terre, la communauté et la famille imprègnent la personnalité de Colten Sloan.

Toutes les leçons que ma famille m'a transmises remontent ici. La constance, la discipline… c’est enraciné en moi. C’est un style de vie quotidien, comme celui des hommes forts.

Vue aérienne d'une route de campagne avec un pick-up.

En chargement
« Ma vérité » Photo : Radio-Canada / Geneviève Tardif

« Ma vérité »
« Ma vérité »

À l’ouest, les champs iconiques des Prairies s’étirent dans les collines à l’horizon. À l’est, des chevaux trottent en liberté le long du chemin de terre menant à la réserve de Whitefish Lake, ou Goodfish, comme les gens d'ici l’appellent.

Colten Sloan nous donne rendez-vous dans le stationnement du hall communautaire, où le chef de la Première Nation, son oncle Stanley Houle, l’attend.

Les hommes effectuent les accolades de bienvenue, discutent rapidement des dernières nouvelles avant de se diriger vers le diamant d’un terrain de baseball en bas d’une côte. Le sport est très important ici, assure le chef. On planche en ce moment sur la construction d’un nouvel aréna.

Stanley Houle et Colten Sloan sont côte à côte au milieu d'un terrain de baseball.
Stanley Houle est l’oncle de Colten Sloan.  Photo : Radio-Canada / Geneviève Tardif

Le ton de la discussion est léger; la température, elle, se corse, et une pluie printanière commence à tomber. Malgré les conditions, le chef profite de ce moment de répit. J’ai pris une pause. Nous avons un atelier aujourd’hui avec le conseil du chef.

L’objet de cette réunion : dénicher des stratégies pour s’attaquer aux problèmes de santé mentale, de dépendance, d’anxiété et de dépression dans la communauté.

Des gens sont morts sur la réserve dernièrement , déclare d’un air grave le chef, résolu à améliorer la situation. On doit se mettre au travail.

Le Nord de l’Alberta est une des régions les plus touchées par le suicide dans la province, selon des données mises à jour en janvier par le Centre de prévention du suicide. L’organisme basé à Calgary est une division de l’Association canadienne pour la santé mentale.

Le phénomène s’étend à l'extérieur de la communauté de 2000 habitants, selon Stanley Houle. Tu vois ce problème partout au Canada. Quand je vais à des rencontres de chefs, ils en parlent tous. Alors aujourd’hui, on met sur pied un plan pour aider notre nation.

Des camps d’archerie, de volleyball, de hockey et de basketball vont être mis en place pendant l’été. On va ramener plein de sports.

Colten Sloan et sa cousine Angela participent aussi à la solution. La paire désire donner des cours pratiques pour initier les jeunes de Whitefish Lake à leur discipline. Ils vont leur enseigner à être actifs de nouveau, s’enthousiasme le chef.

Angela Houle souligne l'importance de souffler sur les braises de l'espoir afin de montrer que c’est possible d’arriver à ses fins

On vient de petites communautés et de réserves. Ils veulent voir les gens réussir et se faire un nom, déclare-t-elle avec aplomb. Ce n’est pas parce qu’on vient d’une petite ville qu’on ne peut pas rêver grand.

Là est la beauté du parcours de son cousin. Jamais Colten Sloan n’a voulu être seul au sommet. Ses succès sont collectifs. C’est ce qui fait que tout le monde l’aime dans cette discipline, assure Angela Houle.

Colten et Angela en train de soulever chacun un haltère, posant dans la salle de gym.
La pandémie a poussé Angela à s'entraîner davantage avec son cousin.  Photo : Radio-Canada / Geneviève Tardif

Stanley Houle insiste lui aussi sur l’importance d’avoir des personnages forts qui, comme Colten Sloan, ont évolué au sein de la réserve. Je me remémore les gars qui ont eu une influence sur ma vie ici. Il y a des joueurs de hockey qui sont devenus des mentors pour moi.

La fierté de voir un gars de la petite communauté récolter le succès de son labeur fait rêver le chef. Peut-être qu’un jour nous aurons un champion du monde ici, ajoute-t-il le sourire aux lèvres.

Des jeunes de la réserve s’intéressent déjà à son sport, pour répéter ses exploits. Ce n’est pas seulement de montrer à nos jeunes qu’ils peuvent réussir, nuance-t-il, mais c’est aussi de leur transmettre un savoir.

Il pourrait être difficile d’accompagner Colten Sloan dans ce chemin pour rejoindre les plus grands, selon sa cousine, qui ajoute qu’on peut toutefois s’inspirer de son éthique de travail surhumaine. C'est la définition de travailler fort. Il est là, à se battre continuellement contre lui-même jour après jour. Comment ne peut-il pas exceller après ça?, souligne Angela Houle.

Colten Sloan devient contemplatif quand on le questionne sur la fierté des autres à son égard. J’en suis très content, laisse-t-il enfin savoir, mais je ne pense pas qu’on devrait en faire une si grosse histoire.

Car ça ne devrait pas l’être, ajoute-t-il. C’est ma vérité. Je n’essaie pas d’être quelqu’un que je ne suis pas. Je suis moi.

Le jeune homme aura la chance de le prouver à la fin du mois, sur la scène internationale. Son rêve est à portée de main. Reste maintenant à se hisser sur la plus haute marche du podium lors de cette compétition clé au Texas.

Si toutes les personnes que j’ai perdues étaient présentes, je leur dirais la même chose qu’à toi : les mondiaux sont mon but.

Si vous avez des pensées suicidaires ou si vous connaissez des gens qui sont en détresse psychologique, vous pouvez composer tout temps le 1 833 456-4566 ou consultez le http://www.crisisservicescanada.ca/fr/ (Nouvelle fenêtre).

Portrait de Colten derrière un pneu de tracteur avec un bonnet sur la tête.

Partager la page

À propos d'EmpreintesÀ propos d'Empreintes

Empreintes est une plateforme de récits numériques où se côtoient la beauté du territoire et la diversité des gens qui l’habitent. Découvrez les portraits de ceux et celles qui définissent la poésie d’un endroit, qui le portent et le font vivre. Les empreintes que l’on voit et celles laissées dans le cœur des gens.